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Fauve, l'interview ≠

La première partie de l'album Vieux Frères sort ce lundi. Le collectif Fauve ≠ se confie avant d'entrer dans l'arène.

Publié par Jean-Baptiste Fontana le 03/02/2014 - Modifié le 24/07/14 19:33
Fauve, l'interview ≠

C'est le groupe révélation de l'année 2013. Fauve ≠ sort ce lundi 3 février son premier album très attendu. Le groupe a vu le jour fin 2010 et a connu en quelques mois un succès fulgurant. Les membres de la "Corp Fauve ≠" en sont eux même les premiers surpris. Leurs vidéos sont vues des millions de fois, la presse est unanime. Les voilà propulsés en embassadeurs d'une génération désabusée, un miroir de la crise et d'une jeunesse qui cherche ses marques.

Plus qu'un simple buzz, Fauve ≠ c'est une alchimie complexe, un accident industriel qui voit une bande de jeune truster le hit parade par inadvertance. Certes, s'ils ne s'attendaient pas à ce succès, la Fauve Corp ≠ est tout de même bourrée de talent. Ses textes sont souvent crus, mais reflètent au mieux la réalité. Comme ils l'expliquent, c'est un travail de narration, de greffier. Ils ne racontent pas d'histoires, ils retranscrivent leur univers en toute sincèrité, tout simplement.

Fauve ≠ ne serait pas ce phénomène sans sa musique. Elle accompagne parfaitement ces textes, en trouvant le bon tempo pour illustrer au mieux la force des mots. Electro, classique, rock... Les mélodies de Fauve ≠ finissent, si besoin, par nous emporter dans cette mélancolie sublime.

 

 

Quelle est la genèse du groupe ? A quel moment vous avez commencé à faire ce travail sur vous même ?

Au tout début, c'était juste un groupe de musique. Mais ça nous rendait malheureux, on n'était pas épanoui avec ça. On a commencé à en parler, et puis c'est là qu'on s'est rendu compte que c'était précisément ça qui nous faisait du bien.
Sur le format musical, on a constaté que le parlé, c'était ce qu'il nous fallait ; ensuite, les instrus un peu electro-hip-hop. Assez rapidement, on s'est dit que ce serait super s'il y avait d'autres personnes impliquées et qu'on déclinait sur d'autres supports. On a donc créé un collectif.

Patisserie #5

"C'est Fauve , parce que ça va trop vite, parce qu'on n'est pas encore prêt, qu'on a besoin de temps pour trouver les mots justes, pour maîtriser la colère, la hargne (...) heureusement il y a aussi toutes ces personnes qui m'ont compris, qui me disent elles non plus, elle ne veulent plus être seules..." Fauve / extrait RAG≠1

 

Et le nom "Fauve" ?

Le mot "Fauve" est arrivé un peu après. En fait ce nom nous a vachement aidé. C'est par rapport au film "Les Nuit Fauves". Pas tant du film, parce qu'on ne l'avait pas vu mais de son aura. Ca véhiculait un nouveau sens au terme "Fauve". On l'aurait vu, ça aurait été pareil, mais il a donné un autre sens au terme fauve :

"montrer aux gens sa vérité, une frénésie... et en même temps sa douleur."

On cherchait un terme, on ne voulait pas un nom fantaisiste, un truc cool qui sonne bien. Non, on voulait juste un terme qui nous aide. Ce mot nous a beaucoup aidé. Aujourd'hui, on s'en sert comme qualificatif.



Combien êtes vous dans le collectif Fauve ≠ ?


On est cinq sur scène en temps normal, sachant qu'on essaye toujours de se déplacer avec le plus de potes du collectif. Mais c'est assez flottant, il n'y a pas de décompte, de "carte de membre" ou de choses comme ça. On doit être une quinzaine de personnes.
Il n'y a pas de critères pour rentrer. Ca se fait comme ça... On rencontre quelqu'un, on est pote, on a envie de faire un truc: Tiens cette personne décide de faire quelque chose, tiens j'ai fait des photos... ha c'est cool, tu peux en refaire ? Ok... puis tu finis par faire parti de l'aventure Fauve ≠.



Vous êtes des potes d'enfance ou vous vous êtes rencontrés sur le tas?


La première vague de personnes dans le collectif, ce sont des amis d'enfance. Après, ce sont soit d'autres potes, soit de la famille, soit de nouvelles rencontres. Des fois ça colle directement, des fois avec des gens qui nous contactent par internet.




Ca peut être une chance d'être nombreux, mais dans la créa, ce n'est pas trop compliqué? Comment vous répartissez-vous le job?


Non, ça marche vachement. L'idée c'est pas de fonctionner à l'unanimité ou avec un véto. Non, c'est, disons, les personnes qui passent le plus de temps sur le truc qui ont le plus de légitimité.
Par contre, c'est vrai que nous sommes six à temps plein, qui avons quitté notre boulot et qui faisons que ça.

Après on se répartit un peu les rôles. Par exemple, la vidéo, c'est chapeauté par une personne, le son pareil... Franchement, ça marche un peu tout seul comme ça.

Pour le live aussi, chacun fait le job, installer le matos sur scène, faire le merchandising. Ce qui est important, c'est que l'aventure, on la vive tous ensemble. Que ce soit vraiment comme si on partait en vacances entre potes.




Comment se passe l'écriture des chansons ?


Généralement on commence avec une ébauche de texte, sur un thème, une histoire. Il y a une espèce de série de mots-clés, quelques phrases, des bouts de paroles déstructurés. Du coup, l'idée ensuite, c'est de faire une instru' qui respecte l'ambiance. Il n'y a pas de poste clé, juste des personnes compétentes.

Nuits Fauve



Vous avez des paroles super intimistes et en même temps vous fonctionnez en groupe. Ce n'est pas un paradoxe ?


Comme nous sommes un groupe très proche à la base, au départ, on se parle entre nous. Et ce que l'on écrit, c'est ce qu'on se dit et que l'on partage. Globalement, on vient tous du même milieu, on a tous le même âge. C'est aussi ça qui nous aide à supporter et à assumer le truc. Tu sais que tu vas pouvoir le dire devant tes potes parce qu'il te connaissent.

On fait les choses de manière très spontanée. Quand ça ne marche pas, on ne le fait pas. C'est assez fluide au final. Il n'y a personne qui centralise les textes. Même dans l'écriture, c'est collectif parce que c'est un travail de création pure. C'est un travail de narrateur, de script, de greffier. Tu as des trucs qui viennent de nous directement puis le reste, ce sont des choses qui sont glanées dans ce que nous, nous appelons notre périmètre.

C'est de l'observation. Ce n'est pas de la poésie ni de la fiction ou de l'imagination. Ce sont des chroniques, avec comme point de départ : nous même.

"C'est très égoïste à la base comme démarche, dans le sens simple du terme."

 


Jeunesse Talking Blues

 


Le succès, l'attente du public. Comment le vivez-vous ? Est-ce que cela ne fait pas une pression supplémentaire sur la cohésion du groupe ?


On a été bien éduqué, un peu à la dure. Quand on te parle, tu réponds, c'est une question de correction. Donc c'est normal de faire des concerts, d'aller à la rencontre du public, de répondre à la "demande". C'est un peu horrible de dire ça comme ça.
Mais quand il y a une attente, que tu sens un signal. On a l'habitude, ou on avait l'habitude de faire tous les rendez-vous et interviews que l'on nous proposait. Ca commence à devenir un peu épuisant, un peu exagéré, on a décidé de calmer un peu le jeu.

On est tous un peu incrédule par rapport à ce qui se passe. Ca nous hallucine, c'est fou.

"Ce n'est pas très normal, pour nous. On n'est pas des artistes, on n'a pas cette culture là, on n'a pas de parents artistes. C'est très surprenant pour nous."

La mayonnaise a pris entre 25 et 30 piges pour nous. Pour la plupart, les billes étaient déjà tracées, des voies, des boulots bien définis... Et paf, il se passe ce truc complètement imprévisible qui fait que ce projet que l'on avait et qui était juste une soupape, une passion pour nous et devient un métier. C'est vraiment quelque chose que l'on ne comprend pas du tout.

Et c'est ce qui rend la chose encore plus belle, parce qu'on profite de chaque moment.

"Tous ces moments que l'on vit ensemble, c'est ça de pris sur le blizzard, sur la routine que l'on avait avant."

Mais on n'est pas naïfs non plus. On sait que cela s'arrêtera probablement, il faut vivre ça pour ne pas avoir de regrets, ne pas faire les choses pour les mauvaises raisons et surtout profiter au maximum de ces moments que l'on vit ensemble qui nous rendent bien, mieux dans nos têtes, à espérer, à sortir du marasme.

C'est à la fois très perturbant et super beau. On vit des choses vraiment très fortes ensemble, un peu mystiques même, et ça nous force du coup à les apprécier à leur juste valeur.

 

Pas trop d'histoires d'égo ?

Non, justement, c'est un projet qui est fait pour essayer de nous dé-narcissiser. On tente de faire tout ce qu'on peut de façon la plus sincère. On est comme tout le monde, on a des égos, mais tout l'excédent qui est peu malsain, on essaye de l'effacer. C'est pour cela que c'est important pour nous la notion de collectif et d'anonymat. Notre prénom c'est Fauve.
On ne montre pas nos visages. C'est important pour nous. A la base pour une question de pudeur, et puis parce qu'on considère qu'on ne peut pas avoir d'égo là dessus. Concrètement, ca ne sert à rien de nous montrer. On n'est pas très à l'aise avec les photos.
Puis c'est gênant qu'il y en ait qui soit mis en avant et pas d'autres. On cherche à gommer les égos, le narcissisme. Ce qui est étonnant, c'est que cela parait être un concept, une stratégie.

 


Ste Anne


L'anonymat, le fait que vous ne souhaitez pas que l'on vous reconnaisse en tant que personnes, comment vous l'expliquez ?


La pudeur. Tout simplement.



Pourtant sur scène, vous ne la laissez pas un peu s'échapper ?


Rien à voir. Ce n'est peut être pas crédible ce que je dis, mais quand tu as un projet artistique et que tu fais de la musique, c'est dans ton cahier des charges de rencontrer le public. Il y a des gens qui disaient " c'est bien les chansons et tout, mais est-ce que ça tient la route en vrai ?" Ca passe par la scène.

On s'est dit bein OK, on va essayer alors. Puis ça nous plait !

Ca fait partie du frisson et des aventures.

"Ca fait partie du jeu, quand tu fais de la musique, tu dois faire des concerts. Sinon, c'est trop facile, tu peux rester dans ta chambre."



Il y a une nouvelle forme d'écriture pour le live ?


Pas particulièrement, on le fait de façon assez spontanée. Par contre, il y a de la vidéo sur scène. Ca c'est vraiment important pour nous. Il y a une projection sur nous avec un écran derrière. On se sentirait un peu à poils s'il n'y avait pas ça. C'est une question de pudeur.



La plupart des artistes que l'on interview, nous expliquent qu'ils attendent qu'une seule chose : c'est d'aller à la rencontre du public, de monter sur scène...


C'est un facteur aussi. Ce n'est pas notre but principal. Ca nous permet aussi de rencontrer en vrai les gens avec lesquels on a discuté par internet. C'est un truc qui nous prend énormément de temps mais qui nous fait du bien et qui nous parait normal. C'est la moindre des choses ! C'est aussi l'occasion de rencontrer en direct des gens qui portent le projet. Ca fait aussi partie de l'aventure.
Et puis c'est chouette la scène, faut pas se mentir. Quand il y a une espèce d'osmose totale entre les gens et toi sur scène, c'est un sentiment très beau, très noble. Une forme de communion... Quand tu mets les doigts dedans, tu as envie que cela recommence. C'est normal je crois.

"C'est un peu comme sortir avec une fille. Tu as envie que cela recommence, envie de la revoir. Il y a un échange, de la reconnaissance."

Mais le point de départ, c'est avant tout de vivre quelque chose en groupe, pour aller mieux ensemble.
Puis on a aussi créé ça pour parler de ce que l'on a vécu, pour l'évacuer.

Quand tu subis la solitude, la routine, le marasme... Tu as besoin de te créer un cocon, de te protéger. C'est un truc très clanique qui revient.

 



Et aujourd'hui, les gens qui vous écoutent viennent d'horizons très variés. Comment vous vivez le fait qu'ils partagent eux aussi ça ?


C'est pareil, c'est totalement surprenant. On n'y peut rien ! C'est hyper touchant.

Après, ça ne va pas changer notre façon d'écrire, on ne va pas s'accaparer des histoires que l'on ne connait pas. On continuera à le faire de la même façon.
Mais c'est quand même dingue. Je sais pas, c'est comme si un mec invente un truc, je ne sais pas, un meuble par exemple au hasard, il se dit, tiens ça va m'aider chez moi et puis en fait ça aide plein de gens. Ce n'est pas fait pour mais c'est hyper gratifiant, tu te sens utile dans la vie. On cherche tous à être un peu utile quand même.

Ca nous fait hyper bizarre parce qu'on ne s'attendait pas du tout à ça. C'est un mélange entre une forme de surprise et un épanouissement.


De ceux



Il y a dû y avoir un sacré changement entre l'avant et l'après médiatisation...


Oui, il y a vraiment un avant et un après.
Ca nous fait aller mieux, ça nous facilite la vie, mais malheureusement ça ne nous change fondamentalement pas la vie. Tu as toujours peur de plein de choses.
Et puis après, cela nous permettra de raconter aussi ce que l'on vit maintenant, c'est aussi un gros sujet d'écriture. Ca donne de l'espoir, et tu as aussi envie de le raconter.

"Même si cela s'arrête demain, tu repartiras dans la vie, blindé de plein de beaux souvenir, de plein de beaux moments d'humanité. Tu te rends compte que tu n'es pas du tout, tout seul."

On a vraiment écrit tous ces trucs là pour nous, on continuera à le faire pour nous. Mais quand tu vois qu'il y a d'autres personnes qui recherchent la même chose, qui ont la même quête. La notre, c'est de devenir des gens bien, des gens solides, d'arrêter d'être fragile, de prendre des cachetons... Tu vois qu'il y a d'autres personnes qui cherchent ce truc là, cette forme d'apaisement.



Cette réelle sincérité, c'est ça aussi qui explique le succès de votre projet ?


Oui, probablement qu'il faut chercher par là.

Mais on n'a jamais la prétention de dénoncer, de révéler ou de changer quoique ce soit. A partir de là, c'est impossible pour nous d'expliquer ça.
Quand tu parles de façon transparente de ta vie, sans chercher à y mettre de la poésie, non que tu es juste dans le journal intime, pour peu que tu fasses l'effort de mettre des mots justes sur les choses, bien les personnes qui vivent la même chose, pour peu qu'elles soient trois dans le monde, c'est peut être logique qu'elle s'y retrouvent.

"On est comme ça : des gens normaux qui racontons notre vie de gens normaux. Donc finalement, les gens normaux il se retrouvent là dedans."

Et ce qui se passe actuellement, ça ne change pas le fait que l'on soit des gens normaux. Pour nous, nous sommes des gens normaux embarqués dans un truc pas normal. Mais ca ne nous change pas, nous.

On a un pote qui a une notion qui s'appelle "les ratés modernes". C'est ceux qui ont tout fait comme il faut : un diplôme, pas d'ennui avec les keufs, un physique ni gracieux, ni disgracieux... mais qui n'y arrive pas.

Mais ce n'est pas grave, quand tu creuses ça, tu te rends compte que tu n'es pas que ça. Tu peux être un raté moderne et en même temps, c'est beau, ca ne fait pas de toi une sanction, une guillotine. Et tous cas donc, ca ne nous changera pas nous. Au contraire, le but c'était de nous trouver nous même.

Il y a une démarche d'essayer de comprendre et de progresser avec ce que tu es, et pas essayer de te changer radicalement. Personne ne le fera.

 
Blizzard

Propos recueillis par Jean-Baptiste Fontana

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