Il y avait foule ce mardi soir au Parc Chanot pour « la nuit du littoral ». Environ 1200 personnes ont répondu à l’invitation de la Ville de Marseille pour « imaginer ensemble le littoral sud de demain ». Au même moment, il y avait aussi du monde du côté des plages du Prado. Il est 20 heures passées, on est en semaine, mais beaucoup de Marseillais y viennent entre amis, en famille ou en amoureux pour profiter du soleil couchant, particulièrement beau ce mardi soir, pour pique-niquer, pour pratiquer du sport ou tout simplement d'un moment de détente.
Depuis sa création dans les années 70 avec le remblai du métro, le Parc Balnéaire du Prado s’est imposé comme un lieu de respiration essentiel pour les Marseillais. Des compétitions sportives aux festivals, en passant par l’Escale Borely, les activités de voile, le bowl et bien sûr les plages… Le littoral Sud, c’est un immense terrain de jeux, de loisirs et de détente mais qui n’a plus réellement évolué depuis des décennies. À part l’arrivée de la Marina Olympique l’an dernier avec les JO, ce secteur souffre en réalité. L’Escale Borely est en quête d’un nouveau souffle, les commerces autour de la place Amiral Muselier périclitent et plus grand monde ne comprend l’intérêt d’avoir un si grand hippodrome à l’affluence confidentielle.
A un an des échéances électorales, l’actuelle municipalité veut en faire un chantier phare de la prochaine mandature, « un projet d'avenir pour les 30 prochaines années » comme le défend Olivia Fortin, la maire du 6e et 8e arrondissement.
Ce premier rendez-vous est avant tout une présentation de la méthode. Aucune annonce particulière n’a été faite. « On part d'une feuille blanche » explique Olivia Fortin. « L'objectif pour nous c'est qu'on puisse, avec les habitants, partager une culture commune, l'histoire de ce littoral et ses enjeux, prendre conscience des différentes pratiques et donc pouvoir ensuite dessiner l'avenir de ce littoral. On essaie de le construire le plus possible avec les habitants parce que ça nous appartient à tous ce littoral. »
Si les plages de Marseille appartiennent à tous, c’est l’Etat qui en est le propriétaire et qui en a délégué à la ville la gestion au travers d’une concession. Ce calendrier pour 2026, n’a donc pas été uniquement décidé par la ville.
« C’est la demande de l’Etat d’avoir début 2026 à présenter un projet ambitieux, pour le parc balnéaire du Prado. La Ville répond aussi à cette demande de l’Etat, puisque nous sommes sur le domaine public maritime. » explique Hervé Menchon, l'élu en charge des plages et du littoral à la Ville de Marseille. En France, la gestion de la bande littoral est très encadrée, notamment autour des questions d’urbanisation et d’aménagements. « Ce sont des conditions plus que des contraintes, parce qu'elles sont prises très certainement au regard des enjeux environnementaux, il y a une réalité qui s’impose à nous » précise Hervé Menchon.
Cette réalité, c'est un changement climatique qui est particulièrement visible en bord de mer. La montée des eaux et l'érosion de trait de côte menacent une partie du secteur. La sécheresse et les vagues de canicule imposent de repenser différemment l'aménagement des parcs et espaces verts. Un exemple visible de tous: les célèbres pelouses du parc balnéaires sont condamnées à sécher quasiment chaque été en raison des arrêtés sécheresse de la préfecture.
Des ateliers vont être organisés avec les habitants, les CIQ, les clubs et associations d’usagers. Un tricycle ira lui directement à la rencontre des Marseillais et touristes sur les plages mais aussi dans différents quartiers de la ville, pour recueillir là aussi leurs avis et idées.
Un livret de présentation rappelle les enjeux et l'histoire du littoral Sud, un vaste territoire qui s'étend de la marina olympique Florence Arthaud jusqu'à la Pointe rouge est en ligne ici.
Un questionnaire est également déjà en ligne. Les questions posées interrogent sur les usages existants. Concernant le futur, les questions ne préfigurent pas une révolution sur le site, mais plutôt des aménagements secondaires : davantage de points d’eau, un meilleur accès en transports en commun, des équipements supplémentaires pour les enfants ou les personnes handicapées, plus de végétation…
La ville a désigné deux agences, TER et ADEUS pour travailler à l’élaboration de ce plan guide qui donnera le cadre, la direction et une base pour réfléchir à l’avenir concret du site.
« Ce qu'on fabrique dans ce programme, c'est le dessin de l'avenir, mais sans préjuger du truc. Et ensuite, derrière, on va remouliner les choses et pouvoir être en capacité de proposer un projet aux habitants. Je ne sais pas quels travaux on va faire. » précise Oliva Fortin.
Si la ville affirme partir d’une feuille blanche et vouloir donner la parole aux habitants, on connaît déjà quelques contraintes.
« On ne va certainement pas agrandir le trait de côte, ce serait plutôt le contraire » précise Hervé Menchon. En clair, pas question d’agrandir et de gagner du terrain sur la mer. On oublie les projets de piscine flottante, de construction sur l’eau… Le seul agrandissement possible serait un ré-ensablement permettant un agrandissement et une continuité de la plage de la Pointe Rouge vers la Vieille Chapelle, en contrebas de l’actuel rond point. Mais cela n’a rien, pour l’heure, d’un projet officiel.
C’est donc sur les terres que le changement sera être le plus visible. L’avenir de l’hippodrome Borely semble condamné depuis plusieurs années déjà, et beaucoup rêvent d’une continuité entre le parc Borely et les plages.
En 2020, lors de la précédente campagne municipale, Martine Vassal imaginait déjà un projet où l’hippodrome était remplacé par une « forêt urbaine », imaginée comme une extension du Parc Borely et en liaison directe avec le parc balnéaire du Prado. Sur le tronçon entre le pont sur l’Huveaune et l’Escale Borely, la circulation automobile de l’Avenue Pierre Mendès France était alors enterrée dans une tranchée couverte.
Enfin, un enjeu essentiel sera celui de l’accessibilité. Sans tramway, ni métro, la desserte en transports en commun des plages du Prado est compliquée et sature vite en été. Ce volet dépend de la Métropole. Sa présidente Martine Vassal a lancé l’idée d’un retour du tramway sur la corniche, comme au temps où la voiture n’y circulait pas encore. Il y aurait aussi la possibilité d’accéder aux plages par navettes maritimes mais qui n’a jamais été déployé.
La congestion du centre ville a fait de la Corniche une voie d’évitement pour les voitures entre le centre et les quartiers sud. Si l’ouverture du Boulevard Urbain Sud devrait faire un peu retomber la pression, il semble compliqué de supprimer ou réduire la voiture de cet axe longeant le littoral déjà saturé en été.