L’automne a pris ses quartiers en Corse. On peut enfin profiter de ses plages de manière exclusive et se donner le temps de parcourir l’intérieur des terres, de villages en villages. C’est d’ailleurs là que l’on peut explorer au mieux la richesse des cultures corses.
En ce mois d’octobre, la récolte des châtaignes bat son plein. Direction donc la Castagniccia, la région des châtaigniers, située au sud de Bastia, sur les montagnes donnant sur la Côte Orientale de la Corse.
Le châtaignier poussant au dessus de 600m d’altitude, on prend vite de la hauteur dans cette région, la plus verdoyante de la Corse. Il y a plusieurs siècles, du temps de la domination génoise, chaque famille devait planter un châtaignier. Ce fruit a sauvé de nombreuses générations de Corses et se retrouve aujourd’hui comme un ingrédient essentiel de la cuisine corse. De la pulenda, une forme de polenta à la farine de châtaigne, aux pisticcini, sorte de blinis, pour la version traditionnelle, à la glace à châtaigne et autres bières aromatisées pour les versions modernes, la châtaigne reste encore au cœur des traditions et de la gastronomie insulaire.
L’automne signe aussi le retour du Brocciu frais dans les rayons, à partir du lait de brebis principalement, mais aussi parfois de chèvre. Il sera présent sur les étals jusqu’à la fin du printemps.
Le brocciu frais s’allie parfaitement avec ces desserts à base de châtaigne, mais aussi les migliacci, ces galettes de blé farcies au fromage et cuites traditionnellement au feu de bois, un peu comme une pizza.
Pour prolonger l’expérience culinaire, il est forcément nécessaire de s’attarder sur la variété de fromages corses. La plupart sont produits à base de lait de chèvre ou de brebis, même si quelques vaches viennent de faire leur apparition dans le panorama des fromages insulaires. On y retrouve deux grandes catégories de fromages, outre le brocciu frais : les tomes, à pâte dure et vieillies durant parfois près d’un an en caves d’affinage, et les fromages à pate molle, souvent plus coulant et odorants, qui ont fait la réputation des fromages corses.
Environ 70 % des fromages produits en Corse le sont à base de brebis. Si certains éleveurs produisent eux-mêmes leurs fromages, c’est aussi un défi pour des fromagers, comme Antoine Ottavi, qui parcourt chaque jour l’île pour aller collecter le lait auprès 66 producteurs. « Pour aller à Sartène, nous avons deux heures et demi de route, même pour 30 litres de lait on va y aller, car le collecter a aussi un rôle social » explique Ludovic Carrière, le directeur de la fromagerie Ottavi.
Le pendant du fromage est bien sûr la charcuterie corse. Lonzu, Coppa, Prisuttu peuvent obtenir le label Nustrale AOC, c'est-à-dire lorsque les cochons sont 100% d’origine corse et élevés dans des conditions optimales, notamment dans un environnement de montagne. Les autres charcuteries, Salsiccia (saucisson corse), Figatellu, Panzetta et Bulagna (gorge) peuvent bénéficier elles d’une IGP lorsqu’elles sont produites à partir de cochons corses.
La production de viande étant très limitée sur l’île, la plupart des charcuteries vendues dans le commerce sont élaborées à partir de porcs venant du continent. Cela n’enlève rien à leur qualité, puisque de nombreux charcutiers respectent les recettes traditionnelles avec cette viande importée.
Le Figatellu se mange chaud, légèrement grillé au feu de bois dans la recette traditionnelle qui fait toujours l’unanimité. Habituellement, il est surtout composé de foie de porc, mais il peut parfois intégrer d’autres abats et du vin, lui permettant d’explorer des goûts plus subtils et se rapprochant des saucisses.
L’avantage de l’automne, c’est que les plages sauvages de Corse, le sont réellement. Certes, il faut parfois être plus courageux pour se baigner dans une eau à 20°, et éviter de se faire piéger par les vagues du Libecciu, ce vent d’est ou sud-est, mais on a l’avantage d’avoir ces plages de manière exclusive, sans la foule de l'été. Les températures douces de l'automne permettent d'en profiter pleinement avec des accès souvent plus faciles et gratuits.
Dans les terres, c’est la saison idéale pour parcourir les sentiers, en bord de mer ou dans les montagnes. L’occasion aussi de découvrir la flore corse, exaltée après un été chaud et sec : On commence à cueillir les baies de myrte, on peut ramasser du népita, cette menthe sauvage que l’on trouve souvent autour des ruisseaux. Les températures ont baissé, alors la ciste est déjà moins odorante, tout comme les fleurs d’immortelle déjà cueillies au cœur de l’été. C’est du côté de Calaccucia qu’un détour s’impose : la distillerie Negroni vient d’inaugurer un magnifique atelier avec son alambic Muller tout droit importé d’Allemagne. Ici, c’est un histoire de passion et de famille. Jean-Marc, le père et Antoine son fils, distillent avec passion et modération. La liqueur est un grande spécialité en Corse et les recettes se transmettent de générations en générations.
Entre 10 à 15 000 bouteilles par an, et des tests de liqueurs et eaux de vie à partir de fruits et herbes locales : de la myrte bien évidemment, mais aussi de la mandarine, des châtaignes, de la noisette, ou encore de la menthe sauvage. « Il fallait que cela se fasse à Calacuccia, le village de nos ancêtres, c’est ici que l’on a nos racines, nous y sommes très attachés » explique avec passion Jean-Marc Negroni. Cette maison familiale s’est aussi faite connaître avec un vin cuit, le « Fior’ di notte » et explore désormais des acquavita, c'est-à-dire des eaux de vie aromatisées naturellement.
Le patrimoine corse se découvre toute l’année, et notamment le patrimoine religieux, très important sur l’île. La christianisation de l’île se fit très tôt, dès le IVème siècle, quand elle fut conquise par Carthage dont provenaient les premiers évêques. La Corse est restée une terre très pieuse et se distingue par des églises de taille impressionnantes dans de petits villages. Il y a eu certes un exode des populations des villages vers les villes, le continent et les colonies, mais la foi et le rôle de l’église restent encore très prégnant dans la société moderne, à l’image de la visite du pape François en 2024, quelques mois avant sa mort. Il faut donc prendre de temps de rentrer dans chaque église lors de ses balades pour découvrir un patrimoine religieux impressionnant.
Au-delà des édifices religieux, le patrimoine corse se distingue par ses nombreux fortins et tours génoises, mais aussi des ponts « romains » même si la plupart datent en réalité du moyen âge. Certaines tours se visitent, ainsi que les villes fortifiées, les citadelles corses. C'est notamment le cas de Calvi, Bonifacio, Corte, Saint Florent ou encore à Bastia.
Souvent oubliée des guides touristiques, Bastia renaît depuis quelques années en se replaçant au cœur du tourisme corse : sa citadelle est parfaitement conservée, malgré des aménagements récents ratés.
On peut désormais profiter de l’Aldilonda : une nouvelle promenade aménagée en bord de mer au pied des remparts de la citadelle et qui permet de rejoindre le Vieux-Port et ses restaurants.
En flânant dans les ruelles autour de la place du Marché, on découvre une ville typiquement méditerranéenne, mélange d’un art de vivre aux influences italiennes, françaises et aussi d’Afrique du nord.
L’arrivée sur la majestueuse place Saint-Nicolas nous rappelle que Bastia est le grand port de la Corse, avec son ballet incessant de ferries vers le continent, un cordon ombilical toujours aussi essentiel pour son économie.
En bateau: Corsica Ferries est la principale compagnie, elle assure plusieurs rotations par jour au départ de Toulon vers Bastia, Ajaccio et également Ile Rousse en journée. Elle dessert aussi parfois la Corse au départ des ports de Nice et Sète, et en Italie. La Méridionale et Corsica Linea proposent elles des rotations au départ de Marseille exclusivement.
En avion: la compagnie corse Air Corsica propose des liaisons de service public au départ de Marseille, Nice et Paris. Elle propose aussi, ainsi que d'autres compagnies comme Volotea, des liaisons depuis d'autres villes françaises tels que Bordeaux, Nantes, Lyon ou Strasbourg. La Corse dispose de 4 aéroports: Bastia, Ajaccio, Calvi et Figari.
Même s'il existe une magnifique ligne de train entre Ajaccio, Bastia et Calvi, la voiture reste un moyen de transport recommandé en Corse. Quelques liaisons de car sont proposées, mais en basse saison, elles sont très aléatoires, et certains spots touristiques tels que les plages, sentiers ou villages de l'arrière pays sont rarement desservis.
Les ferries sont donc le moyen de transport priviligié pour venir en corse avec sa voiture ou sa moto. L'occasion de commencer le voyage par une petite croisière comprise entre 8 et 12 heures selon les trajets. Si les prix des billets ont subi une inflation importante ces dernières années, les prestations à bord restent à un rapport qualité prix très intéressant, notamment l'offre de restauration, avec des plats du chef étoilé italien Filippo Chiappini Dattilo à des prix tout à fait abordables chez la Corsica Ferries.