Les enfants se pressent dans les allées de l'amphithéâtre pleins de curiosité et d'impatience. Une vrai déferlante de lutins comme dans un conte. Et en fait, cela tombe bien d'avoir un public de lutins et d'adultes rêveurs puisque l'on propose une soirée chorégraphique où il sera question d'ange, de centaures, de Prince absolument charmant et de féerique Blanche Neige.
La soirée duos va commencer dès lors que les grands auront fini de résumer aux enfants les grandes lignes des livrets.
Noir et silence se font dans la salle et la lumière nous découvre en scène la belle et délicate Caroline Jaubert. Ainsi nous contons aux enfants une première histoire avec un ange et il peuvent bien y croire si c'est Virginie Caussin qui danse.
Nous, nous y verrons "Annonciation", un duo oscillant entre la fragilité de Marie, et la puissance de l'Ange. Une chorégraphie symbolisant les changements d'état, de tous les états, les ports de bras pleins de poésie précèdent des variations de sol athlétiques puis la scénographie nous ramène à la pureté et la simplicité des gestes de l'intime.
On y devinerait même comme une confidence du chorégraphe sur la difficulté et la passion du processus de création. La salle se rallume, mon voisin d'environ 1m10 et critique d'art avisé, me précise que les danseuses semblaient s'envoler sur le sol et que parfois elles devaient se dire des secrets : merci Arthur je ne trouverais pas mieux !
Vient ensuite le duo "Centaures". Une naissance de l'humain, ou
de son animalité qu'il apprivoise peu à peu. Fabrizio Clémente et Julien Thibault nous offrent dans cette allégorie de l'homme cheval une danse empreinte de virilité et de noblesse. La puissance et l'énergie du langage chorégraphique sont subtilement mises en valeur par les costumes de Caroline Anteski, véritables "mues" de cuir couleur chairs. Pour finir, les sabots polis des chevaux en plein ballet de dressage, symbolisés par les chaussons de danse, nous ont fait quitter les hauts murs du Pavillon Noir pour nous rêver dans le sable du Cadre Noir de Saumur avec ces deux exceptionnels athlètes danseurs.
Vient enfin pour clore la soirée, un extrait du sublime "Blanche Neige". Caroline Jaubert sommeille délicatement posée sur le cercueil de verre, Julien Thibault la découvre et se montre à nous fou de douleur et éperdu d'Amour.
Le baiser du réveil se transforme en une danse de frénésie et de refus du désespoir. Le duo se fait couple, les portés emmenés par une gestuelle de la tendresse amoureuse se font spectaculaires. C'est ça l'essence du conte de fée, on se prend à soupirer d'émotion face à ces baisers passionnés.
A travers une chorégraphie de virtuoses, Angelin Preljocaj nous offre plus qu'une féerie. C'est l'évocation d'Alfred de Musset, tous les hommes... sont ce qu'ils sont, toutes les femmes... ne sont pas meilleures, "mais s'il est une chose sublime, c'est bien l'union de ces deux êtres imparfaits".
Encore une très belle soirée au Pavillon Noir.
Annonciation
Centaures
Blanche Neige
Agnès Rosa-sentinella
Photos : Didier Philispart