Depuis quelques jours, la baignade est interdite sur les plages et les calanques du Louvans, des Corailleurs et du Pébrier à Saint-Aygulf sur la commune de Fréjus. C’est en raison de la présence d’une algue dangereuse pour la santé: l’Ostreopsis Ovata. Cette algue est invisible à l’œil nu, sauf en cas de prolifération exceptionnelle où elle peut former une matière brune gélatineuse visible à la surface de l’eau.
Le problème de l'Ostreopsis, c’est qu’elle produit une substance toxique, la palytoxine et qu’elle entraîne des complications chez l’homme: Ce peut être des difficultés respiratoires comparables à une crise d’asthme, mais aussi de la toux, de la fièvre, le nez qui coule et plus rarement des irritations cutanées et oculaires, des douleurs musculaires voire des saignements du nez. « Dans la plupart des cas, ces problèmes de santé s'atténuent après quelques heures (2 à 6 heures) et disparaissent complètement au bout de 24 à 48 heures sans besoin de médication, juste en s'éloignant de la mer. » explique l’organisation Ramoge qui surveille l’espèce en Méditerranée.
Parfois, le nombre de personnes touchées peut être important, saturant les urgences comme ce fut le cas à Gênes ou à Alger au début des années 2000 avec des centaines de personnes admises en même temps.
Jusqu'à présent, sa présence reste exceptionnelle dans la région Provence Alpes Côte d’Azur. En août 2006, des baigneurs avaient été touchés sur l’île du Frioul au large de Marseille, puis de 2013 à 2020 elle était présente à Villefranche sur Mer. Depuis quatre ans elle n’était plus détectée dans la région, uniquement en Italie et en Espagne. En France, elle est cependant très présente cette année sur la côte basque depuis 2021. Des plages y sont régulièrement fermées au public.
« On a détecté l'Ostreopsis Ovata une fois l’an dernier. Depuis on a mis la plage sous surveillance, et elle est réapparue il y a trois semaines » explique Jean-Louis Barbier, conseiller municipal lié aux crises et au domaine maritime à la mairie de Fréjus. La ville effectue plusieurs analyses de l’eau par semaine pour suivre de près l’évolution de la présence de l’algue sur son littoral.
L’arrivée de cette algue à cet endroit précis reste un mystère total. Pourquoi uniquement ces trois calanques sont touchées? Des contacts ont été pris avec les différents scientifiques pour comprendre ses mystères.
A l’origine l’Ostreopsis Ovata est originaire des Caraïbes et elle apprécie les zones rocheuses, peu profondes et plutôt calmes. Le profil correspondant bien souvent à des zones de baignade ou calanques, comme c’est aujourd’hui le cas à Fréjus. Mais l’élu explique que les analyses réalisées sur des plages et criques situées à quelques centaines de mètres indiquent son absence totale, alors que le profil y est comparable.
Cette algue apprécie en théorie une eau supérieure à 25°. Si l’eau de la mer a été très chaude début juillet, elle est repassée à des températures normales depuis les épisodes de mistral, même en deçà de cette température. « Paradoxalement, alors que l’eau a refroidi, l’algue a proliféré » s’étonne Jean-Louis Barbier. Difficile donc de faire un lien immédiat avec le réchauffement climatique. D’autant plus que cette algue, même si elle vient des Caraïbes, est très présente sur les côtes atlantiques réputées moins chaudes que la Méditerranée.
Aujourd’hui, on sait seulement que c’est lors d’épisodes de vent, lorsque la mer est agitée, que l’algue remonte à la surface et que ses fines particules peuvent se propager dans l’air portées par le vent. En effet, sa toxine touche les humains par les voies respiratoires.
Par temps calme, sa présence ne pose, à priori, pas de problèmes particuliers car elle reste sous l’eau. Dans certains cas, une mortalité d’oursins et de petits animaux marins tels que des crabes a pu être constatée. Pour le moment, ça ne semble pas être le cas à Fréjus.
Lors de la dernière analyse effectuée ces derniers jours, suite à l’épisode prolongé de mistral, on a relevé un taux record de 1,3 millions de cellules par litre dans une calanque. On est bien au-delà du seuil 3 défini par l’ARS (30.000 cellules / litre) et la baignade y est donc interdite jusqu'à nouvel ordre. La brigade de l’environnement patrouille pour le rappeler et expliquer les risques encourus, et empêcher des touristes imprudents de se baigner.
Pas de raison de s’alarmer pour autant. Une surveillance médicale a été mise en place à Fréjus. « Nous avons pré-alerté les médecins et le CCAS, et à ce jour, nous n’avons eu aucune remontée d’une personne ayant pu développer des symptômes » précise Jean-Louis Barbier.
Si son arrivée est mystérieuse, son départ l’est tout autant. En 2013, elle était apparue dans la rade de Villefranche sur Mer avant de disparaître à la fin de l’été 2020.
En réalité, il est probable qu’elle soit déjà présente sur nos côtes sans qu’on le sache réellement. Fréjus est l’une des rares villes qui teste réellement sa présence. Ailleurs, il ne semble pas qu'elle soit vraiment recherchée lors des analyses de la qualité des eaux de baignade.
Ses symptômes de toux et de fièvre étant finalement assez courants, il est possible que des personnes aient pu en être victime sur d’autres plages ou calanques sans le savoir réellement, pensant simplement avoir attrapé un coup de froid suite à leur baignade et au vent.
Le réseau Ramoge qui surveille et étudie l’Ostreopsis Ovata conseille d’alerter le poste de secours le plus proche ou de contacter le centre antipoison et de toxicovigilance de Marseille au 04 91 75 25 25.
Les symptômes peuvent être de la toux, de la fièvre et surtout des difficultés respiratoires et survenir assez rapidement en présence de la toxine. Cela se produit en général lors d'épisodes de vent ou de houle, quand les particules sont projetées dans l'air ambiant.
Jusqu’à présent, il n’y a pas de preuve d’intoxication alimentaire liée à la consommation de poissons vivants dans une zone touchée par l’Ostreopsis Ovata. Il est néanmoins recommandé d’éviter de consommer des coquillages et crustacés pêchés dans ces zones.
> Consulter le dépliant dédié à l'algue Ostreopsis par le réseau Ramoge
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