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Photomed Friche Belle de Mai

Du 03/06/2017 au 13/08/2017 - Marseille - Friche Belle de Mai - 20 °
30 km/h
Terminé
Publié par Anne-Marie . le 06/04/2017
Photomed Friche Belle de Mai

La Friche Belle de Mai va accueillir le festival de la photographie méditerranéenne en deux temps : deux photographes du 3 juin au 2 juillet et trois photographes du 5 juillet au 13 août.

Giasco BERTOLI - Tennis Courts

Photographe italo-suisse né dans le Tessin, tout près de la frontière italienne, mais vivant à Paris, Giasco Bertoli s’est fait connaître à travers ses collaborations avec de nombreux magazines de mode internationaux. On a pu dire de son oeuvre qu’elle était « culte », tant elle a épousé (en même tant qu’elle a contribué à le définir) le style photographique des années 90 ; un style direct et âpre, inspiré du quotidien, dont Juergen Teller et Corinne Day sont les plus illustres représentants.
Comme eux, Giasco Bertoli a développé, parallèlement à des travaux de commande, des séries plus personnelles. Parmi celles-ci, Tennis Courts est la plus emblématique. Depuis 1999, Giasco Bertoli photographie des courts de tennis au gré de ses voyages, notamment dans différentes villes méditerranéennes (Tanger, Toulon, Venise, Capri, etc.), avec une prédilection pour ceux laissés à l’abandon, envahits par les herbes. Sa démarche rejoint ainsi celle de l’artiste japonaise Yoshiko Seino qui choisit souvent pour sujet des lieux où la nature a commencé à reprendre ses droits. Mais elle en diffère en ce que Giasco Bertoli cherche moins à montrer que la nature renaît malgré la négligence des hommes qu’à nous faire éprouver la dimension onirique de ces lieux vides. Et en effet ses photographies de grand format convoquent des fantômes. Leur contemplation provoque des réminiscences : la scène des mimes disputant un match de tennis à la fin de Blow-up (1966) de Michelangelo Antonioni, la partie à peine esquissée du Jardin des Finzi-Contini (1970) de Vittorio De Sica ou l’issue si troublante de celle disputée sur les rives du lac d’Annecy dans le Genou de Claire
d’Éric Rohmer (1970). Aussi ne faut-il pas s’étonner que Giasco Bertoli dise ses images influencées par des films, des films ayant à ses yeux autant de réalité que la vie même.

Hicham GARDAF - Tanger

Peu de villes ont comme Tanger mobilisé l’imaginaire des écrivains. Ainsi Paul Bowles notet-il dans ses Mémoires d’un nomade : « Tanger me frappa comme étant une ville de rêve, riche de scènes typiquement oniriques. » C’est bien ce Tanger-là qu’a photographié Hicham Gardaf. Il y a dans les images du jeune artiste marocain une qualité de silence, une étrangeté qui évoquent le songe : une fillette vêtue d’une robe bleu-gris mouillée, couleur de ciel, et d’un gilet rouge se tient devant un tas de gravats sur lequel est planté un improbable parasol rose tendre. Sa légère
voussure dénote une concentration, peut-être une crainte. Mais qu’observe-t-elle ? On se le demande. Dans un café aux murs vert opaline un homme assis, moustache fine et dos très droit, regarde vers une fenêtre par où le soleil passe. Là encore le sens exact de la scène nous échappe. Sur ces deux images, comme sur bien d’autres, l’atmosphère rappelle celle des meilleurs tableaux de Hopper. Le temps semble suspendu et toute action écartée au profit de l’intériorité. Cette proximité avec le peintre américain se retrouve dans le traitement de la lumière, le sens de la couleur et un goût manifeste pour les compositions sobres, où un seul personnage apparaît dans un environnement quiet. Les images d’Hicham Gardaf ressortissent ainsi à ce qu’on appelle la « photographie-tableau », un genre issu de la peinture figurative occidentale du XIXe siècle. Elles s’en démarquent cependant par l’absence de drame ou d’hyperbole visuels. Dénuées de théâtralité, elles tendent vers le neutre,
se prêtant à de multiples interprétations, ou même vers l’abstraction. Paul Bowles aurait dit qu’elles incitent à la rêverie.

Yves JEANMOUGIN - Alger*

Les photographies d’Alger d’Yves Jeanmougin ont été réalisées à deux moments : celles en noir et blanc en 2003, celles en couleurs en 2011-2012. Près d’une décennie les sépare et pourtant rien ne semble avoir changé. Depuis combien de temps Alger présente-elle ce mélange de splendeur cossue à la mode d’hier et de léger décati ? Alger et ses bars aux chromes impeccables sur lesquels veille un garçon hors d’âge, mais à la veste blanche toujours parfaite. Alger et ses terrasses d’où on contemple la mer. Rien pourtant d’une ville d’hier dans cette métropole dont les aménagements à prétention moderniste ont mal vieilli, comme partout, mais dont les habitants ne cessent d’investir l’espace. Le photographe, attentif à la cohabitation des générations, donne l’image d’une ville sillonnée de corps jeunes, sensuels. Adolescents et jeunes gens s’y adonnent à l’universelle passion du ballon rond, adoptant des allures de tifosi. Leurs aînés les regardent avec indulgence et profitent de la douceur des nuits pour palabrer aux terrasses des rues. Natif de Casablanca, habitant de Marseille, auteur de nombreuses séries sur le Maghreb, Yves Jeanmougin n’a aucun mal à se couler en ami dans un mode de vie qui est celui de toutes les grandes villes de mer du bassin méditerranéen.
On n’oublie en effet jamais la mer, dans cette série algéroise. Elle donne son horizon à la ville qui descend vers elle, appelant à des embarquements qui sonnent comme des promesses plus que comme des exils. Dans la plénitude bleue de l’été, le ressac signe un ancrage méridional. Et quand souffle la bourrasque d’hiver, elle donne aux quais une saveur presque océane. Jeanmougin, qui est un grand nom du reportage, en dépasse ici les contraintes pour enregistrer, d’un oeil aussi aigu que complice, un certain art d’être au monde qui semble résister aux vents contraires de l’histoire.

Joe KESROUANI - Beyrouth

De grand format, d’une extrême précision et techniquement irréprochables, les images de Beyrouth de Joe Kesrouani semblent de prime abord appartenir à un des courants les plus populaires de la photographie plasticienne : le paysage traité de manière neutre. Cette esthétique photographique objective s’est imposée au début des années 90, en réaction à la peinture et à la création « néoimpressionniste » des années 80. Largement influencée par le travail pionnier de Bernd et Hilla Becher, elle est un moyen de s’affranchir de la perspective personnelle. Le plus connu des artistes de cette école souvent qualifiée de « germanique » est Andreas Gursky. Parmi ceux ayant travaillé spécifiquement sur la ville, Naoya Hatakeyama et Axel Hütte ont obtenu la considération du monde de l’art. Les images de Joe Kesrouani rappellent superficiellement celles de ces grands devanciers. Elles en diffèrent pourtant si on les regarde attentivement, parce qu’elles n’ont ni tout à fait leur rigueur, ni vraiment leur esthétique froide, objective et impersonnelle. Il y a quelque chose d’autre qui perce chez l’artiste libanais. Ce goût des ciels d’orage, des contrastes marqués et des jeux de lumière ne relèvent-ils pas d’un sentiment romantique du sublime ? Joe Kesrouani se tiendrait ainsi en équilibre au milieu d’un fil tendu entre les photographes de l’école de Düsseldorf et le peintre Caspar David Friedrich.

Anne-Françoise PELLISSIER - Beyrouth ou le silence des dieux*

Anne-Françoise Pélissier, familière de Beyrouth, a photographié la ville dès le milieu des années 1990, à un moment où le retrait des milices marquait la fin d’une longue guerre civile sur fond confessionnel. Ses images montrent avec force combien l’intensité visuelle n’a rien à voir avec le pathétique. Rien de plus serein en apparence que ce monde après la bataille. La mer est étale, suprêmement indifférente. Sur la rive déserte, quelques parasols depuis longtemps inutiles coupent l’horizon de leurs verticales dérisoires. Mêmes les navires sont à l’amarre. Le ciel est uniforme, lui aussi. Il n’a jamais paru plus vide. Le lendemain de la violence est le temps de l’indifférence des dieux. La mémoire des combats s’inscrit dans l’un des lieux les plus communs de l’image de guerre : un mur criblé d’impacts, dont l’enduit est tombé. Tout n’a pas été renversé ou détruit : une grande roue, souvenir des jours heureux, se voit de partout, immobile. Mais le riche patrimoine de l’une des plus belles capitales de la Méditerranée a payé un lourd tribut ; un pilastre de marbre renversé devient métonymie de toutes les villas éventrées ou anéanties. Sur le Beyrouth d’Anne-Françoise Pélissier flotte un extraordinaire silence – un silence de Samedi saint. La solitude la plus totale semble régner. Le béton, l’acier, le végétal aussi : tels sont les acteurs, disposés selon les lois austères de la géométrie.
On pense aux grands murs nus de Lewis Baltz, avec moins de systématisme janséniste toutefois. Jusque dans l’absence des hommes, des regards, des voix, Pélissier garde vive une forme de vibration, comme dans ces lieux abandonnés où l’on a le sentiment étrange que quelqu’un vient de passer. Serait-ce un fantôme, sous une toile légère comme celle qui couvre les palais ? Un ouvrier endormi ? Ce monde rendu à lui-même mais non dénué de promesses est par excellence un monde poétique.

* Ils exposent du 3 juin au 2 juillet

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