Vendredi 12 novembre 2010
Soirée d’ouverture du festival Image de Ville, Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Pce
Le théâtre du Jeu de Paume était complet vendredi soir, les invités se serraient sur les strapontins et dans les balcons, et la liste d’attente était si longue qu’il a été impossible de satisfaire tous les amateurs qui se pressaient dans la rue… L’événement auquel tout le monde voulait assister était l’ouverture du festival « Image de Ville », qui inaugurait alors sa huitième édition et dont l’invité d’honneur était le célèbre Jean Nouvel.
L’architecte français, qui s’impose depuis plus de trente ans sur le territoire national et dans le monde, a fait son entrée sur l’énumération de ses titres et récompenses, déroulées comme un tapis rouge par Jacob Reymond, Président d’Image de Ville… dans un tonnerre d’applaudissements.
Après cette entrée, la projection de Babel, un court métrage mêlant animation et images filmées déjà primé dans plusieurs festivals en 2010 (Festival International du film d’Odense, Festival International Expression en Corto de Mexico) a conquis le public : c’est d’ailleurs le coup de cœur du festival cette année, qui accueillera son réalisateur Hendrick Dusollier samedi 13 pour une soirée spéciale « Shanghaï entre mythe et réalité ».
Le dialogue s’est ensuite installé entre Jean Nouvel et Alain Fleischer, écrivain et cinéaste, autour du thème de l’édition 2010 du festival, la verticalité. Une problématique à la fois banale et très actuelle, que ce festival n’avait pourtant pas encore explorée. Les deux orateurs ont ainsi proposé de nombreuses pistes de réflexion, rappelant que la tour est l’une des formes les plus anciennes de l’architecture et qu’elle a toujours su trouver sa place dans les paysages urbains. Jean Nouvel a apporté au débat sa personnalité et sa lecture de la profession d’architecte, insistant sur la construction, un « acte de transformation toujours temporaire » à l’échelle de l’histoire, mais également voué à disparaître… Le discours est captivant, oscillant entre le souhait d’une profession idéale, dans laquelle les projets naissent de la discussion et de la rencontre, et la vision parfois désabusée de la verticalité contemporaine, zonée et impersonnelle… A la froideur souvent associée aux villes nouvelles et aux quartiers d’affaires, Jean Nouvel propose d’opposer des réalisations tenant compte de l’espace et des occupants, basées sur un « scénario » réfléchi, à l’image d’un film.
Pour ponctuer le débat, qui a d’ailleurs pris ce soir-là le ton d’une discussion amicale et consensuelle manquant parfois de rythme, les deux orateurs avaient choisi de projeter des extraits de films mettant en scène la ville verticale : King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack (1933) et Blade Runner de Ridley Scott (1982), sur lequel la soirée s’est conclue. Les irréductibles se sont retrouvés ensuite au cinéma Le Renoir pour la « Nuit Tours Infernales »… jusqu’à 4 heures du matin.
En un mot, une inauguration réussie, laissant augurer un festival passionnant riche de 65 films posant avec acuité la question de la verticalité… une thématique qui a su attirer tous les publics.
Pour en savoir plus :
> http://www.imagedeville.org
> http://www.jeannouvel.com
Samedi 13 novembre 2010
Table ronde : «Tours créatives : tours d’architectes ou tours d’urbanistes ?» (amphithéâtre de la verrière, cité du livre Aix)
Rencontre « Les tours de Jean Nouvel »
La table ronde s’est déroulée dans un amphithéâtre qui a rarement été aussi rempli : étudiants, professionnels de l’architecture et de l’urbanisme, professeurs, cinéastes, curieux, retraités… tous se pressaient afin de profiter et de contribuer au débat lancé sur la question des tours sur le littoral méditerranéen.
Les réalisations en cours à Monaco (Tour Odéon, Tour Simona) ou à Marseille (Euroméditerranée) permettent aux architectes et urbanistes présents de soulever différentes problématiques et de susciter la discussion : comment en effet, concilier la préservation du littoral et les tours de grande hauteur ? Comment construire dans le respect de l’environnement et des usagers tout en améliorant la modernité et l’attractivité des villes ? Comment enfin répondre à la demande croissante de logements sur le pourtour méditerranéen si l’on exclut le recours aux tours ?
Les « discutants », Frédéric Kappler, Directeur de l’Urbanisme de la Principauté de Monaco, Franck Gelling, Directeur de l’urbanisme d’Euroméditerranée et Jean-Pierre Lott, architecte, ont joué le jeu de la présentation de leurs projets en cours et du dialogue avec le public, acceptant la critique et défendant leur point de vue avec pertinence et simplicité. Michel Chiappero, urbaniste, architecte, enseignant à l’ Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional de l’Université Paul Cézanne, était le modérateur et l’animateur de ce débat, qu’il a su lier et faire évoluer dans la fluidité et l’écoute. Les interventions de Daniel Rennou, Architecte des Bâtiments de France à Aix-en-Pce et des jeunes architectes du collectif «AIE» sont venues ponctuer le débat, de considérations historiques d’une part et utopiques de l’autre, permettant à cette table ronde d’embrasser tous les aspects de la question de la verticalité dans le contexte particulier du rivage méditerranéen.
Des extraits du film « Tours d’aujourd’hui et de demain » de Catherine Terzieffn réalisé par Bertrand Stéphant Andrews (2006) ont également ponctué ces discussions, apportant le regard et le discours d’architectes français tels que Christian de Portzamparc, Paul Andreu, Dominique Perrault…
Si la question de la tour de grande hauteur peut encore choquer, elle apparaît aux architectes comme l’une des solutions les plus performantes et les plus appropriées pour les villes de l’avenir. Qu’il s’agisse de tours de logements de standing (la tour Simona de Jean-Pierre Lott en cours de réalisation à Monaco) ou en accession à la propriété (la tour des Quais d’Arenc d’Yves Lion à Marseille), ce sont au total plusieurs centaines de logements supplémentaires qui seront proposés dans la prochaine décennie, projets accompagnés d’aménagements urbains conséquents afin notamment d’assurer des liaisons performantes au niveau des transports et des réseaux et de créer des espaces collectifs de qualité.
De tours il était encore question lors de la rencontre intitulée « Les Tours de Jean Nouvel », en présence de l’architecte renommé, de l’écrivain cinéaste Alain Fleischer et de Francis Rambert, Directeur de l’Institut Français de l’Architecture. En invité d’honneur, Jean Nouvel a parlé de son travail (des centaines de réalisations à son actif dans le monde, et toutes les récompenses possibles, dont le fameux Prix Pritzker, le « Nobel de l’architecture ») avec simplicité et clarté. Parmi les projets évoqués, citons la « Tour sans fin » prévue pour le quartier de la Défense à Paris (1990, restée au stade de projet) et la Tour Agbar de Barcelone (2005, réalisée), sur laquelle Jean Nouvel apporte un éclairage complet en l’incluant dans le contexte historique et architectural catalan.
Le public, conquis et toujours aussi nombreux, retiendra de son intervention l’insatiable quête de l’expérimentation et le refus permanent de la tour « froide » et inexpressive. Jean Nouvel aime créer des objets uniques et puissants, des signaux forts mais qui puissent s’intégrer aux paysages, à l’échelle du territoire.
Pour en savoir plus :
> http://www.imagedeville.org
> http://www.groupepastor.mc/fr/parc/010_le_simona.html
> http://www.euromediterranee.fr
> http://www.lesquaisdarenc.fr
Eve ROY
photos : (c) Marc Célérier
/ quais d'arenc (c) Euroméditerranée / Les Quais d'Arenc
(c) Jean-Pierre Lott/Groupe Pastor
