Jusqu’aux impressionnistes, la peinture était – et demeure dans une certaine mesure – une activité où l’on replie le monde et son imaginaire sur le plan immobile de la toile. Seule la main navigue à la surface. Quand les peintres de la lumière ont quitté leur studio pour parcourir les villes et battre la campagne, ils ont inventé sans le savoir ce que le cinéma et la photographie naissants deviendraient. Avec la miniaturisation des appareils dans les années 1920, la photographie emprunte aux impressionnistes ce tropisme pour l’ailleurs, l’en-dehors.
La photographie de Diane Arbus est le résultat de cette recherche inlassable, la somme de ces longues heures de marche, autant dictées par les équations du hasard que par le flair indicible de l’instinct. Autant le résultat de son travail paraît précis, cadré et cohérent, autant son hors-champ est chaotique, organique et dispersé aux quatre coins de la ville. Ce hors-champ est un entrelacs de chemins qui se croisent et qui dessinent, à l’instar d’une toile d’araignée, des centaines de points sur la carte, reliés les uns aux autres par un désir unique de révélation poétique.
C’est précisément cette cartographie à travers le temps et l’espace qui nous intéresse ici. Comment présenter en simultané les images et le hors-champ inhérent à chacune d’entre elles ?