La pièce proposée baptisée Kamuyot est une création de 2003 conçue pour 15 danseurs du jeune ensemble qui sort avec bonheur des sentiers battus.
Jupes écossaises, bas colorés et troués pour les filles pantalons de costume noir ou à carreaux et chemises blanches pour les hommes, la chorégraphie de presque une heure est menée énergiquement sur une bande son faite de musiques acidulées entre j-pop, reggae, et musique de séries américaines, le tout est délicieusement entraînant.
Singulière la pièce reprend néanmoins les codes chers au chorégraphe israélien. La technique « gaga » dont il est le représentant est bien là, parfois même ponctuée de mouvement jazz lui conférant des accents rétro. Il y a aussi la perpétuelle thématique de la place de l’individu dans le groupe et comment il peut le fédérer.
La chorégraphie fait justement la part belle à ce fameux groupe qui crie d’une seule voix et se meut à l’unisson parfois de façon quasi militaire mais elle laisse aussi la place à l’individu qui en s’extrayant de la masse lui montre sa voie.
D’ailleurs la composition de la troupe elle-même semble reprendre ce principe avec ces jeunes danseurs aux aptitudes et aux morphotypes différents qui se complètent à merveille et forment un groupe harmonieux. Ainsi Ohad Naharin peut nous pousser à nous questionner : le groupe vaut-il plus que la somme des individualités ? Ne tire t-il pas sa force des singularités ?
Mais ce qui est le plus captivant dans Kamuyot, c’est avant tout le désir permanent de créer un lien avec le public à commencer par la structure scénographique. Les spectateurs sont placés de part et d’autre de la scène et les danseurs viennent s’asseoir parmi eux. Le lien est aussi visuel, les artistes s’élancent vers le public et s’arrête à quelques centimètres des premiers rangs. Ils regardent un à un les spectateurs les yeux dans les yeux. Le lien est enfin tactile puisque les interprètes leur prennent la main et plus tard les invitent à les rejoindre sur scène pour achever cet instant de partage.
Dans la salle de travail du Pavillon noir où est présenté le spectacle, le public, assis sur de simples chaises ressent les vibrations des danseurs sur le sol … il fait partie de la pièce.