En se baladant au pied du Palais Longchamp, les visiteurs ont peut-être remarqué un changement ces derniers mois. La différence est visible. Autour des fontaines du Palais Longchamp la carte postale a un peu changé. Quand on regarde les photos d’archives on y trouvait une pelouse verte agrémentée de parterres de fleurs (à gauche sur l'image ci-dessus). Désormais, la pelouse est remplacée par du lierre et les fleurs saisonnières sont permanentes (à droite sur l'image). Des espèces vivaces, bien moins consommatrices en eau mais aussi moins fleuries.
« La nature, ce n’est pas que de l’esthétique, on doit s'adapter au climat »
Nassera BENMARNIA, élue en charge des espaces verts et du retour de la nature en ville.
Remplacer les parterres de fleurs par des plantes vivaces ou arrêter d’arroser les pelouses n’est pas seulement un choix politique d’actuelle municipalité mais aussi une contrainte imposée par le changement climatique. Il y a deux ans, à l’été 2023, le fleuve côtier Huveaune est passé en crise sécheresse durant plusieurs semaines.
Parmi les conséquences de ce niveau rouge, le plus élevé, l'arrêté prefectoral impose aux communes une interdiction totale pour les mairies d’arroser les pelouses et les massifs fleuris, et leurs autres plantes uniquement entre 20h et 7h du matin. En clair, c’est une obligation de laisser mourir la pelouse et les jolis parterres de fleurs en plein été, du moins le temps de l'alerte crise sécheresse.
A l’été 2023, une grande partie de Marseille, soit 9 arrondissements sur 16 ont ainsi été concernés par cette interdiction car situés dans le bassin versant de l’Huveaune. L'arrosage des parcs marseillais n'a cependant pas de rapport avec le débit du l'Huveaune puisqu'il utilise principalement l'eau de la Durance qui reste, pour l'heure, abondante. Cette alerte en 2023 concernait plusieurs communes du département touchées ces interdictions. Si la Ville de Marseille a demandé des dérogations, elles ne concernent uniquement les horaires d'arrosage, légèrement étendus pour des raisons d'organisation des équipes.
Pour les pelouses, niveau crise ou pas, l’option choisie est souvent l'arrêt de l'arrosage en été. Il suffit de se balader autour des plages du Prado en été ou à Maison Blanche : les belles pelouses du printemps ressemblent à de la terre battue à l’arrivée de l’automne. Outre le piétinement et les activités humaines qui l’abiment, l’arrêt de l’arrosage les condamne chaque été avant de repartir à l’arrivée des pluies d’automne.
Pour les fleurs, c'est une nouvelle logique qui se met en place sur toute la ville: Auparavant, les jardiniers de la ville installaient des parterres de fleurs renouvelés une à deux fois par an. Aujourd’hui, il n’en reste quasiment plus. Ils sont remplacés par des massifs pérennes, composés de plantes vivaces et surtout adaptés au climat méditerranéen. Certes c’est moins fleuri, mais cela permet d’économiser considérablement la demande en eau. Cela simplifie aussi grandement leur entretien. Ces plants sont issus des pépinières municipales de la Fresnaie et la Pommeraie. Elles disposent de 28ha de production de végétaux.
D’autres actions complémentaires sont réalisées pour lutter contre la sécheresse des massifs, comme le paillage réalisé en broyant les sapins de Noël des écoles marseillaises.
Consciente des questions et incompréhensions que cela peut soulever chez les promeneurs, la Ville de Marseille a installé de nombreux panneaux d'information, expliquant ces démarches. C'est le cas par exemple sur un décalage de la tonte de certaines pelouses, justifiée pour favoriser le développement de la biodiversité et des insectes.
Outre cette décision du préfet d’interdire l’arrosage, d’autres exemples montrent l’impact du réchauffement climatique sur les parcs et jardins. C’est par exemple le cas du côté de Borely, où la proximité avec la mer et le faible niveau de l’Huveaune dans ce secteur posent un véritable problème dans la nappe phréatique. Aujourd’hui, on constate une remontée de l’eau salée sous Borely. La nappe d’eau douce issue de l’Huveaune, et qui est trop faible, est remplacée progressivement par l’eau de mer.
Concrètement, l’une des conséquences, c’est que deux des trois forages qui permettaient de participer à l’irrigation du parc ont dû être stoppés.
Et les jardiniers, outre le choix d’espèces peu consommatrices en eau, commencent à éviter certains arbres comme les tilleuls qui supportent mal les épisodes de canicule. Mais par contre, c'est une priorité de planter de nouveaux arbres pour offrir des îlots de fraîcheur à la population en été. Et parfois même, s'ils sont trop petits, la ville installe des brumisateurs pour offrir quelques zones de fraîcheur.
La Ville de Marseille a installé des capteurs qui analysent en temps réel les besoins des plantes pour réguler au mieux l’eau dont elles nécessient réellement. Ce système connecté à une application permet ainsi de régulier au mieux l’arrosage des parcs, secteur par secteur. L’économie d’eau est importante, de l’ordre de 48%, ce qui fait des milliers de litres d’eau économisés chaque jour.
Ces capteurs permettent aussi de détecter d’éventuelles fuites dans le réseau et d’éviter ainsi le gaspillage. L’économie en eau grâce à ces capteurs qui détectent les fuites est de l’ordre de 18%, soit au total une réduction de la consommation d’eau de l’ordre de 66%.
D’ici fin 2025, 18 parcs et jardins marseillais seront équipés de ces capteurs intelligents. A terme, fin 2026, la ville espère en équiper tous ses parcs et jardins.
Autre point d’économie, ce sont les fuites des lacs. Plusieurs parcs de Marseille disposent de petits lacs d’ornements. Ils offrent de véritables îlots de fraicheur en été mais tous ne sont pas vraiment étanches. C’est par exemple le cas du lac du Parc de Maison Blanche qui vient d’être entièrement rénové. La ville estime qu’il perdait jusqu’à 120m3 d’eau chaque jour. D’importants travaux ont donc été réalisés pour refaire son fond, de manière totalement étanche. La profondeur du lac a également été réduite, passant de 3 600m3 à 2 300m3 désormais, permettant ainsi d’économiser un tiers d’eau à son remplissage. 460 000€ de travaux y ont été réalisés.
Enfin, à l’inverse des fuites d’eau, il y a la désimperméabilisation des sols. Quand il pleut, en fonction de la nature du sol, soit l’eau pénètre dans la terre, soit elle ruisselle s’il s’agit de bitume ou béton. En le supprimant des allées des parcs, et le remplaçant par un sol perméable, l’eau s’infiltre mieux dans le sol et permet ainsi une irrigation naturelle. Plusieurs allées du Jardin Longchamp seront ainsi transformées prochainement.