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Rencontre avec Gotan Project

Rencontre avec le trio de Gotan Project à l'occasion de leur nouvel album Gotan 3.0

Publié par Jean-Baptiste Fontana le 29/06/2011
Rencontre avec Gotan Project

Vous venez de sortir votre 3eme album studio, comment vous arrivez à vous renouveler, quel a été son point de départ ?

Philippe Cohen Solal : Avec Gotan, c’est notre troisième album en dix ans. D’une manière assez naturelle, on a toujours essayé de se renouveler morceau par morceau. C'est-à-dire de re-rendre populaire le tango, d’une certaine façon, en changeant la forme pas le fond, qui est depuis le début le même : nous sommes très inspirés par le tango traditionnel ; et à partir de ça, on essaye d’amener quelque chose de nouveau, de faire une musique que l’on n’a pas encore entendue. Quand il y a dix ans, on a sorti la Revancha del tango, nous même, nous n’avions pas encore entendu la musique qu’on était en train de faire. Nous n’avions pas de références, pas de disques à écouter en disant qu’on allait faire dans l’esprit de… C’était une sorte d’île vierge que l’on a explorée et on était les premiers surpris. C’est pour ça que je pense que les gens aussi, ont été très surpris par notre premier album et notre proposition musicale.

Avec le deuxième album, Lunatico, on a voulu montrer aux gens qu’on savait de quoi on parlait. Que ce n’était pas un coup, un concept de petits malins dans leurs studios. Ce n’est pas du tout comme ça que cela s’est fait. C’est un projet qui est sorti de l’underground. On n’a pas changé notre musique pour devenir plus populaire.



Pour ce troisième album, quand on s’est retrouvé en studio, on avait très envie, plein d’idées à partager ensemble. Ca s’est passé sur une année, en 2009, dix ans après La revancha del tango. Et là, pendant un mois, on a composé 20 morceaux, de façon très spontanée. Puis après, on a passé onze mois à travailler, faire les arrangements, enregistrer… Sur cet album, on a vraiment essayé d’associer la spontanéité de la composition et la sophistication des arrangements. A part ça, on a aussi amené le tango dans d’autres territoires. L’idée c’est que notre territoire c’est le tango, ça le restera, mais après on l’amène vers d’autres territoires.


Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir lancé un courant? Pourquoi il ne s’est pas plus développé directement en Argentine ?

Christop H. Müller : Je pense que l’on a eu un rôle de catalyseur. Ce n’est pas un hasard si ça ne se passe pas en Argentine, mais plutôt à l’extérieur. De plus à Paris, c’est la deuxième capitale du tango, qui a un lien historique extrêmement fort. La crème de la crème de la diaspora argentine vie à Paris par exemple. C’est parfois plus simple vu de l’extérieur, les gens ont plus de liberté.


Philippe Cohen Solal :
Je crois que ce qui était difficile en Argentine, c’est le poids de la tradition. Quand on est Argentin, c’est très difficile quand on est amoureux du tango de  se dire que l'on va changer le son du bandoneon, le torturer, y mettre des rythmiques hip-hop dessus… Il y a des gens qui ont déjà insufflé, même avant Gotan Project, avec des inspirations électroniques comme Astor Piazzolla, avec des synthés… Il y a eu des gens qui ont fait des choses, mais la proposition de Gotan, ce n’est pas juste de mélanger de l’électronique avec le tango, c’est de ramener le tango sur les dancefloor, qui n’étaient pas dédiés au tango. C’était ça la grande différence, et c’était nouveau.

Et ça, il fallait des gens qui étaient depuis très longtemps dans la musique de club, et qui essayent de faire danser les gens avec des musiques qui venaient d’ailleurs que du funk, que de la disco… Nous on s’est intéressé à l’époque, un peu plus aux musiques brésiliennes et au tango, quand on s’est rencontré avec Edouardo. Le challenge, c’était déjà de montrer à toute une génération qui avait une ignorance totale de ce qu’était le tango, que c’était une musique super sexy, super cool, très belle et puis de la faire danser dessus. C’est pour cela que le premier album s’appelait La revancha del tango.

Le tango a une autre atmosphère, un autre mood, plus mélancolique, qui a une sorte d’énergie. Peu de gens avaient fait danser les gens sur cette humeur. Peut être Massive Attack ? Mais depuis, il ne s’était pas passé grand-chose. Avec Christophe et Eduardo, on a eu envie de faire danser les gens sur l’essence même du tango.

Eduardo Makaroff : Paris est une deuxième capitale historique du tango. En Argentine, il n’y avait pas des pointures dans le registre de la musique électronique, et donc c’est déjà une bonne explication. Je ne suis pas tellement sûr que ce soient seulement le poids et la tradition, parce que dès qu’ils ont entendu Gotan Project, ils se sont lancés à fond. Très vite notre musique a commencé à être utilisée en télévision, en publicité, en radio… Ca a déclenché le mouvement du tango électronico. L’accueil a été plus que bon ! On y est très connu, même si on n’y va pas très souvent pour y jouer.

Christop H. Müller : Je parlais il y a quelques jours avec un musicien argentin, quand il a entendu la première fois Gotan, ce devait être en 2000. Il ne nous connaissait pas, il a entendu ça dans une soirée, sur un vinyle, et ça a été une claque. A l’époque, la culture électronique était assez sous-développée, si on peut dire. Maintenant, plus de dix ans après, dans toute l’Amérique Latine, il y a une musique authentique. Avant, c’était plus une sorte de copie de musique house qui venait d’Angleterre. Gotan Project c’est du tango authentique avec de la musique électronique authentique, ça n’a jamais été une sorte de collage.


Et la scène, comment vous vous y préparez ?

Christop H. Müller : Gotan Project, c’est un projet studio avant tout, donc à la base ce n’est pas du tout un groupe live. C’est très construit comme musique, très arrangé, très travaillé. Au tout début, ca a été un vrai défi de le mettre sur scène. Philippe et moi, on n’est pas non plus des gens très expérimentés dans ce domaine. Dès le départ, on a essayé de reconstruire musicalement ce que l’on fait en studio. Donc il y a les musiciens tango d’un coté, il y a la partie électronique qui est présente, et les deux communiquent. C’est un dialogue entre l’acoustique et l’électronique.

C’est très important, déjà juste du point de vue musical d’arriver à transmettre ça. Et en concert on va plus loin. On joue des tangos traditionnels mais on va aussi parfois plus loin dans la partie électronique, avec des passages plus club. Après, il y a tout l’aspect visuel qui est venu pratiquement en même temps.

Philippe Cohen Solal : Sur les concerts, on essaye d’amener notre musique dans une sorte de voyage entre Paris, Buenos Aires… entre le passé, le futur… On mélange les instruments anciens avec les instruments électroniques modernes. C’est une sorte de dialogue à tous les niveaux, musicalement et visuellement.

photos et propos recueillis par JB Fontana / octobre 2010

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