En quatre jours le feu a parcouru plus de 7000ha la semaine dernière au coeur de la réserve naturelle de la Plaine des Maures et dans le massif en direction du Golfe de Saint-Tropez.
La forêt méditerranéenne est régulièrement confrontée aux incendies, et elle est souvent capable de les surmonter et de se regénérer.
Lessivage des sols lors des orages, disparition de certaines essences et d’une partie de la faune… Une forêt met plusieurs dizaines d’années à reconstituer son écosystème, et si elle brûle à nouveau sans avoir eu le temps de se régénérer, alors elle est menacée de disparaître ou s’appauvrir considérablement.
C'est un risque réel sur ce incendie: La moitié de surface parcourue par le feu l’avait déjà été il y a moins de 20 ans, lors du feu de 2003 principalement et en 2008 et 2010 sur des zones de la réserve.
Bérangère Abba, la secrétaire d'état en charge de la biodiversité est bien consciente des enjeux. Présente ce mardi sur le site de l'incendie, elle prépare les prochaines étapes: "On fait déjà un gros diagnostic, il va nous occuper ardemment sur l’année qui vient. On va pouvoir observer ce qui a été atteint comme espèces, et pouvoir déterminer ce qui est de l’ordre de la naturalité, ce qui va se reconstituer et ce qui nécessite peut être une intervention."
En fonction de la violence de l'incendie et de la configuration du terrain, plusieurs actions sont possibles: Tout d'abord, des travaux d'urgence sont menés dans les zones avec du relief avec la mise en place de fascines. Ces branchages mis en perpendiculaire de la pente permettent de limiter l’érosion des sols et de faciliter ainsi la reprise de la végétation.
La replantation d’arbres est parfois à l’étude, mais dans certains secteurs bien particuliers uniquement. Le Conservatoire du Littoral, qui est propriétaire d’une partie de la réserve, imagine un reboisement autour de certaines zones humides touchées par l’incendie, notamment dans le secteur du Lac des Escarcets. Les écosystèmes y sont particuliers et plus fragiles, la main de l’homme sera nécessaire pour y implanter à nouveau certaines espèces végétales. Partout ailleurs dans le massif, c’est la nature qui devrait faire elle-même son travail de régénération.
"Aujourd’hui on est obligé de penser en termes de diversité biologique, de différences de mode gestion, d’essences, qui doivent nous permettre de retrouver une résilience pour la forêt avec des événements climatiques de plus en plus nombreux et violents." souligne Bérangère Abba qui promet un soutien financier de l'état. "Ce sera de l’ordre de plusieurs millions. L’Etat sera au rendez-vous."
Après l’incendie, le taux de mortalité de ces tortues endémiques est très variable. Dans certaines zones où le feu est passé très rapidement et où elles pouvaient s’enfouir pour se protéger sous des rochers, le taux de mortalité est inférieur à 40%. Dans ce cas précis, la situation n’est pas si dramatique, et les scientifiques ont bon espoir que l’espèce puisse y survivre sans aide extérieure. Malgré un environnement calciné, les tortues peuvent survivre sans se nourrir le temps que l’herbe repousse d'ici quelques semaines.
Mais par contre, dans certaines zones les dégâts semblent irrémédiables. Lors du feu des caps Lardier et Taillat en 2017, les scientifiques avaient constaté une mortalité proche des 80%. Dans ce cas là, il faut aider la nature. Le centre de conservation du Village des Tortues à Carnoules dispose d’une zone d’élevage et pourrait prochainement procéder à des lâchers pour repeupler ces zones dévastées.
Concernant l’incendie des Maures, un état des lieux est toujours en cours pour déterminer en fonction des zones, le taux de mortalité réel. Un repeuplement en tortues n’est pas exclu si on venait à constater, comme dans le Golfe de St Tropez, une trop grande mortalité.
Dans la lutte contre les incendies, les pompiers peuvent compter sur des alliés de taille: les zones cultivées.
Un champ de vigne, même s’il prend un coup de chaud, permet aux pompiers de contenir et canaliser l’incendie. A défaut de le stopper frontalement l’incendie, les cultures permettent de faciliter le travail des pompiers, notamment sur ses flancs.
Cela ne marche cependant pas à chaque fois. Face à ce méga-feu, les pompiers ont constaté des sautes de feu pouvant atteindre près de 800m. Porté par un mistral à 80km/h, aucun pare feu n’est alors 100% efficace.
C'est la même logique pour les pistes DFCI, qui permettent aux pompiers d'accéder au coeur du massif, au plus près de l'incendie. Elles ont certainement permis de lutter efficacement contre l'incendie des Maures mais quelques sautes de feu ont parfois anéanti les remparts érigés par les soldats du feu.
Une réserve naturelle, c'est avant tout une forêt. Pas question de la remplacer par des cultures. La détruire pour mieux la protéger est un concept que les écologistes ont du mal à accepter.
« On est à l’os dans la réserve naturelle des Maures » explique François Fouchier, le Délégué Provence Alpes Côte d'Azur du Conservatoire du littoral. Supprimer davantage de forêts risquerait d’avoir plus de conséquences néfastes pour la biodiversité que de bénéfices face à un futur incendie.
Pourtant, parfois les lignes peuvent bouger. A Bormes les Mimosas, une parcelle pourrait être déclassée pour être transformée en champ de vigne. L’idée du Conservatoire est d’offrir une continuité de la fonction coupe feu des vignes et de détruire une parcelle où la végétation s’était développée de façon anarchique. Cela reste une exception.
D’une manière générale, c’est la gestion des réserves naturelles qui tend les relations avec les agriculteurs. Thierry Nonjon, un viticulteur impacté par l’incendie regrette d’avoir des difficultés à nettoyer les abords de ses vignes : « On ne peut pas abattre d’arbres à proximité, et pour débroussailler, il faut faire des demandes des mois à l’avance ». Car dans la réserve, le débroussaillement mécanique constitue un danger pour la tortue d’Hermann. Ce type de problème confrontant des enjeux agricoles et écologiques se retrouve aussi sur la question de l’eau avec l’arrivée du Canal de Provence ou l'entretient des ruisseax qui posent problème.
"Tous les vignerons sont en litige avec la réserve naturelle, ce n'est pas normal. Ce qui nous manque c'est un réel dialogue. Nous ne sommes pas contre la réserve." Eric Pastorino, le président des vins de Provence.
Présent avec la Secrétaire d'Etat à la biodiversité, le Ministre de l’Agriculture est allé à la rencontre de ces agricultures en première ligne. Interpelé par des viticulteurs en colère, Julien Denormandie reconnaît que "ce dialogue doit être refondé, sur de nouvelles bases et sans dogmatisme".