L’exposition « Tatouage. Histoires de la Méditerranée » n’est pas simplement un voyage dans le temps ; c’est un corps à corps avec les cultures, les croyances, les luttes et les désirs qui ont façonné les rivages du bassin méditerranéen – de l’Égypte antique aux salons d’encrage marseillais.
Avant d’être tendance, le tatouage était sacré, médical, mystique, politique. Gravé à même l’épiderme, il fut jadis l’apanage des prêtres et des guérisseurs, des pèlerins et des marginaux. À travers un maillage d’artefacts, de photographies, de vidéos et de créations contemporaines, l’exposition tisse une toile dense où chaque point d’encre raconte un fragment d’histoire – souvent oubliée, parfois effacée, toujours incarnée.
On y croise des femmes berbères aux visages tatoués de signes de protection, des prisonniers marqués comme des bêtes, des marins portant sur la peau leurs amours et leurs ports d’attache. À chaque époque, l’aiguille a piqué au rythme de la société. Et ce que l’on croyait anecdotique devient révélateur : le tatouage, en Méditerranée, est un alphabet corporel.
Il fallait que cela se passe ici. Marseille, ville-monde, ville-archive, où les cicatrices s’affichent sans fard et où l’encre coule autant dans les veines que dans les ruelles. L’exposition explore comment le tatouage est devenu à Marseille un marqueur identitaire : dans les quartiers Nord comme sur les plages du Prado, il dit l’appartenance, la fierté, parfois la résistance.
Et si la pop culture a récupéré le tatouage en symbole d’affirmation de soi, c’est à Marseille qu’il trouve une résonance particulière – entre traditions héritées et créations urbaines.
Mais « Tatouage. Histoires de la Méditerranée » ne s’arrête pas à l’histoire de la peau : elle en révèle aussi les révolutions. Une section entière est dédiée aux artistes contemporains qui ont réinvesti les motifs tatoués pour réécrire l’histoire de l’art au féminin, au pluriel, et au décolonial.
On y découvre des œuvres de Farid Belkahia, Samta Benyahia, Lalla Essaydi, mais aussi une pièce inédite de Denis Martinez, figure centrale du groupe algérien Aouchem (« tatouage » en arabe). Pour ces artistes, le tatouage n’est plus seulement ornement : il devient manifeste. Il parle de transmission, de résistance, de mémoire enfouie dans le corps.
Cette exposition raconte des histoires de femmes, de guerres, d’exils et de fêtes. Des histoires de Méditerranée, donc.
Et si vous pensez que le tatouage n’est qu’un effet de mode, passez par la Vieille Charité. Vous verrez : parfois, l’encre est plus tenace que le sang.
Le Centre de la Vieille Charité
2, rue de la Charité 13002 Marseille
Exposition en accès libre du mardi au dimanche de 9h à 18h
Expositions temporaires :
Gratuit le premier jour de l’exposition
et le 1er dimanche de chaque mois
