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Fred Nevchehirlian, l'interview

Le soleil brille pour tout le monde ? C'est le titre du nouvel album de Fred Nevchehirlian, recueil de textes inédits de Jacques Prévert dont la sortie est prévue le 7 novembre. Rencontre avec le slameur marseillais, poète des temps modernes.

Publié par Jean-Baptiste Fontana le 17/01/2012 - Modifié le 03/07/12 15:37
Fred Nevchehirlian, l'interview

Qu'est ce qui t'a amené à faire de la musique, du slam ?

J'ai toujours aimé les textes poétiques parce qu'ils sont très courts. Et peut-être aussi par fainéantise. En quelques mots un poème pouvait exprimer une émotion, ça pouvait être hyper fort, hyper drôle.

Donc quand j'ai commencé à écrire des petits textes pour m'amuser à l'adolescence, j'écrivais des poèmes. Et très vite, j'ai aimé les déclamer, les dire à haute voix. Une fois j'ai été voir une pièce de théâtre tout petit et ça m'a beaucoup marqué car il y avait un acteur qui faisait un solo et cela m'avait impressionné cette façon de dire le texte, sans jouer, juste en disant le texte. Cela m'a beaucoup touché. Du coup en grandissant j'ai voulu faire pareil.

Pourquoi ce choix de reprendre les textes de Prévert ?

En fait, c'est vraiment un hasard. C'est né d'une rencontre. J'ai pas réellement choisi de travailler sur Prévert. J'ai (re)découvert Prévert en rencontrant la petite-fille de Jacques Prévert. J'avais travaillé sur un documentaire et mis en musique un texte de Prévert Le Soleil brille pour tout le monde à la demande d'un réalisateur. On y montrait une image de Prévert qu'on ne connaît, c'est à dire Prévert le révolté, l'insoumis, le militant et pas celui qu'on apprend à l'école. Lors de la projection, j'ai donc rencontré Eugénie Bachelot-Prévert qui m'a dit qu'il y avait des textes encore plus farouches, encore plus forts. Je ne vous cache pas que je n'avais pas particulièrement envie de faire un disque entier sur Prévert, je trouvais que cela faisait un peu vieillot mais quand j'ai lu les textes, je les ai trouvés magnifiques et très forts. Ces textes collent tristement à l'époque.

Il y a d'ailleurs des textes d'une dimension sociale et politique dans ton album :

Oui, Marche ou Crève, Travailleurs attention, Il ne faut pas rire avec ces gens-là, Confession publique. Ce sont des textes qui dénoncent très simplement et je dirais même avec une certaine pureté de la part de Jacques Prévert, l'exploitation de l'homme par l'homme, la bourgeoisie provocante, celle des banques, des industriels.

Si tu devais choisir un seul texte, ce serait lequel ?

En fait je suis attaché à plusieurs textes parce qu'ils m'ont marqué mais ce ne sont pas forcément les morceaux les plus accessibles pour le public. Pour rentrer dans l'univers de ce type-là, le premier morceau est parfait, Attendez-moi sous l'orme. C'est à la fois le Prévert qu'on connaît, celui qui parle de l'amour mais il y a déjà en toile de fond la dimension politique. Le roi qui prend le peuple pour un con avec la jeune fille qui l'attend éternellement sous l'orme. Toutes les promesses que ce roi a faites, il les a oubliées. La mélodie est très dansante, très entraînante, ce titre je l'aime beaucoup.

Marche ou Crève est aussi important mais il y a deux textes qui m'ont beaucoup touché c'est Confession Publique et Maintenant j'ai grandi. Ils m'ont vraiment touché personnellement surtout Maintenant j'ai grandi. J'agis tellement comme un enfant, avec spontanéité et des caprices...

Peux-tu parler de La Lettre à Jeanine ?

La Lettre à Jeanine, c'est une lettre inédite. c'est vraiment un cadeau que m'a fait Eugénie Bachelot-Prévert de la mettre en musique. Je trouve que ce texte-là c'est peut-être le cœur du disque. On voit comment Prévert dans son intimité, en écrivant à sa femme, en lui parlant d'amour, parle dans la phrase d'après de la guerre, de son impuissance. On voit à quel point ça le préoccupe. L'amour, la politique, chez lui prennent leur source au plus profond de lui-même.


C'était important pour toi de glisser cette lettre sans ton album ?

Oui car ce n'est pas seulement une lettre d'amour. Moi ce qui m'intéresse, c'est de montrer le Prévert qu'on ne connaît pas. D'ailleurs la petite fille de Prévert était contente que ce disque sorte car c'est vraiment Prévert : un homme en colère, un homme militant, un homme amoureux, un homme entier. Je voulais que l'homme tel qu'il était transparaisse sur ce disque et donc qu'il y ait une lettre de son intimité, qu'on casse avec cette image de poète de l'école.

Quel message voudrais-tu faire passer au public marseillais ?

Venez découvrir Jacques Prévert, vous ne le connaissez pas ! Ce n'est pas un disque nostalgique, c'est un disque super actuel. D'ailleurs, petite anecdote, quand j'ai joué à Paris la dernière fois, les gens m'ont attendu à la fin du concert pour me demander « Alors, c'était laquelle la chanson de Prévert ? » : Toutes !

 

>> www.myspace.com/nevchehirlian

 

 

 Propos recueillis par Linda Mouffek - photo DR

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