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Reportage : Mademoiselle K en interview

Mademoiselle K, une voix rocailleuse et sensuelle, de l’énergie à revendre, et des mélodies accrocheuses. Elle sait ce qu’elle veut, et elle le dit, sans langue de bois. Rencontre à l’occasion du festival Avec le Temps.

Publié par Jean-Baptiste Fontana le 27/03/2007
Reportage : Mademoiselle K en interview

Le jour où tu as raté le CAPES, tu t’es coupé les cheveux et lancée pour de bon dans la musique. Comment es-tu passée de Katerine Gierak (son vrai nom, ndlr) à Mademoiselle K ? Pas trop dur le passage de prof à rockeuse ?

Déjà le nom Mademoiselle K, c’est parce qu’une copine m’a appelée Miss K un jour, et j’ai pas du tout aimé cet anglicisme-là. Ça m’a donné l’idée de Mademoiselle K… Après, en ce qui concerne la transition prof/rockeuse, il faut vraiment que je change ma bio, parce que la musique, j’en fais depuis que j’ai 7 ans. J’ai fait 10 ans de conservatoire et de guitare classique. Dès l’âge de 15 ans, j’ai su que je voulais faire ça dans la vie. J’ai aussi une licence en musicologie, et j’ai mis en musique mes premiers textes à 20 ans. C’est là que j’ai arrêté la guitare classique pour me consacrer au chant, j’ai eu un déclic à ce moment-là.
Après, c’est vrai que j’ai passé le concours pour être prof de musique, parce que c’est bien d’être chanteuse, mais il faut aussi gagner sa vie et ça me permettait de rester dans la musique. Le Capes, c’était la suite logique de ma formation. Je voulais être prof de musique parce que c’est la seule chose que je sais faire. J’ai été admissible 2 fois, et pas admise… et j’ai été très en colère contre l’Education Nationale (d’où la chanson « Ça sent l’été », ndlr) je lui en veux d’être aussi coincée sur pleins de points… Cet échec, je l’ai vraiment pris pour un délit de sale gueule, j’étais dégoûtée. J’espère qu’un jour je pourrai enseigner, je garde ça dans un coin de ma tête. J’ai envie de donner, c’est tout. Et je le fais sur scène, donc finalement, tout ça, c’est pas bien grave. Le capes, ça reste un cailloux sur le chemin.

Tu as découvert la musique au lycée avec une prof de musique (Annick Chartreux, ndlr) que tu considères aujourd’hui comme ta mère spirituelle. Une sorte de révélation ?

Oui. Je savais déjà que je voulais faire de la musique, mais elle m’y a beaucoup encouragé. Déjà, c’est une passionnée, une très bonne musicienne et une super pédagogue, d’une extrême générosité. Et c’est vrai qu’elle a réveillé une vocation chez moi, au moment où je me cherchais un peu ; elle m’a beaucoup aidé. Je me souviendrais toujours de ce qu’elle me disait tout le temps : « Katerine, on a qu’une vie, alors si tu veux faire de la musique, vas-y, fonce, qu’est-ce qui t’en empêche ? »

Après la reconnaissance de La Grande Sophie, le carton d’Anaïs, et la nomination d’Adrienne Pauly aux Victoires de la Musique, on se dit que les maisons de disques n’ont pas fini de s’engouffrer dans la brèche « Filles à grande gueule version rock ». Qu’est-ce qui te distingue des autres ?

Alors déjà, je ne me sens pas de la même famille. Le seul truc qui nous rassemble, c’est qu’on est des filles, et encore, j’ai un problème moi, avec ça. Je ne me suis jamais identifiée vocalement à des filles, et j’ai jamais voulu imiter personne. Depuis le début, j’ai toujours chanté à ma façon, et même quand je fais des reprises, je les fais vraiment à ma sauce.

Bien sûr, y a quand même des voix qui m’ont touchées, Thom Yorke (chanteur de Radiohead, ndlr) en tête. Chez Radiohead, y a une sorte de bonheur harmonique qui me fascine, qui me remplit. J’ai besoin de ça moi, parce qu’avant d’être chanteuse, je suis musicienne. La musique est dès fois plus importante que le texte, et c’est en ça que je me distingue des autres filles.

Adrienne Pauly, par exemple, a des textes sympas et drôles, mais musicalement, c’est le énième schéma dans le genre rock sympa. C’est pas du rock, il manque quelque chose dans l’énergie, dans l’intensité du propos, le rock ne se limite pas aux guitares électriques.

Après, en ce qui concerne la Grande Sophie, je n’ai jamais aimé ce qu’elle fait. Ça n’a rien de personnel, mais j’aime pas sa voix, son timbre ne me touche pas, et n’a pas grand intérêt, j’aime pas ses textes… elle est pas rock, quoi. Par contre, Anaïs, je trouve qu’elle a une voix intéressante, elle gagnerait à faire autre chose que de l’imitation et du comique, mais à la guitare, ça reste basique.
En résumé, je ne me sens pas de la même inspiration musicale qu’elles sous prétexte que je suis une fille.

On te compare souvent à Chrissie Hynde (des Pretenders, ndlr) et PJ Harvey, des références plutôt flatteuses. Quelles sont tes influences musicales ?

Alors, je vais nuancer. Pour Chrissie Hynde, on me compare à elle juste parce que je mets un perfecto, mais musicalement, c’est pas du tout pareil. Si la musique s’arrêtait au look, ça se saurait… Et PJ Harvey, c’est un truc que je lis partout, mais c’est faux. Je l’ai découverte y a 6 mois seulement, je n’ai pas été influencée par sa musique. Je trouve ça vraiment génial, elle assure, elle a une super voix, de super textes, mais je ne me sens pas proche d’elle harmoniquement, je trouve ça trop répétitif.

Mes influences, c’est plutôt Radiohead, Jeff Buckley, qui a quelque chose de très mystique. Et pour moi la musique, c’est ça : quelque chose de mystique, de supérieur et d’immuable. Si je devais avoir une déesse, ce serait la musique, c’est la chose en laquelle je crois, à laquelle je me raccroche. Ça me tire vers le haut, et je crois que ça m’a vraiment sauvé, la musique, si j’avais pas eu ça, je sais pas où je serais aujourd’hui… Et je lui suis reconnaissante pour ça, j’en parle comme d’une personne (Rires). Pour moi, ça représente la liberté, une oasis… Je me dis que quoi qu’il m’arrive, j’aurai toujours la musique.

Sinon, ado, j’écoutais énormément de classique (Mahler, Ravel, l’Opéra « Thaïs » de Massenet, ndlr). C’est ma mère qui m’a éveillé au classique, elle est issue de l’intelligentsia polonaise, d’ailleurs, son côté bourge m’énerve (rires). Par contre, mon père m’a ouvert à tout ce qui est plus populaire, beaucoup de musique tzigane, du folk, du jazz… Et j’écoutais aussi pas mal de blues. J’adore les voix de black, ça me touche énormément. Pour moi, le blues, c’est la musique exutoire. Ca me renverse, c’est un peu faire du bonheur à partir du malheur. C’est ce que j’essaye de faire.

Dans tes textes, que tu écris toute seule, tu mêles noirceur et humour corrosif. Quels sont tes sujets de prédilection ? Qu’est-ce qui t’inspire ? Y a-t-il un peu d’autobiographie dans tes chansons ?

Oui, bien sur, à partir du moment où tu fais de la création, c’est dur de ne pas s’inspirer de soi-même. Quelqu’un qui crée a toujours un certain ego. Après, je voudrais nuancer en citant Malraux qui disait « L’Artiste est menteur mais l’Art est vérité » et ça dit plein de choses ce truc-là. Même si je pars du quotidien dans mes textes, je fais aussi de la musique pour m’éloigner du quotidien, ce qui m’intéresse, c’est de transcender. J’ai pas de vocabulaire, mais des fois je sors des mots comme « transcender », que personne ne comprend ! (rires)

Les thématiques de mes chansons sont de l’ordre de l’intime, en ça, on fait un rock intimiste, même si on aime bien « envoyer » sur scène.

Les thèmes qui me tiennent à cœur, c’est l’identité déjà. Même si j’ai pris confiance, je continue de me chercher, je ne me sens pas figée dans un truc, donc le thème de l’identité et de la quête de soi, ça continue à me faire vibrer et à m’inspirer.

Après, y a le thème de l’amour bien sûr, ou plutôt les contradictions du sentiment amoureux. Moi, dire «je t’aime », ça me soule (rires). Y a mille et une façons d’exprimer le sentiment amoureux, je suis quelqu’un de très contradictoire…

Dans ton final, tu t’adresses directement au public « Est-ce que ça vous a plu ?/Est-ce que vous reviendrez ?»… Est-ce de la peur, une façon de te rassurer, ou un besoin insatiable d’être aimée, et qu’on te le dise ?

C’est un peu tout ça en même temps. Comme un gamin angoissé qui à la fois supplie, ordonne, demande à être aimé… C’est la chanson d’un artiste qui veut qu’on l’aime, c’est vraiment une chanson sur les relations humaines. On a tous besoin les uns des autres.



Tu ne fumes pas, bois de la verveine, et tes parents aiment tes chansons… Si je te dis que c’est pas très rock’n’roll tout ça, ça te vexe ?

Alors, c’est vrai que je ne fume pas, ni de cigarettes, ni autre chose. Par contre, je bois beaucoup de thé, mais j’aime bien boire du bon vin rouge de temps en temps, et un Jack Daniel’s après les concerts. Et c’est vrai que ça m’a saoulé que mes parents aiment mes chansons (rires).

Après, si ça me vexe, non, je m’en fous royalement ! Je ne suis pas limitée au rock, je ne fais pas de la musique parce que c’est rock’n’roll, je fais ce que je veux. Peut-être que je ferai un album electro dans 2 ans… D’ailleurs, dans mon prochain album, on sera tous compositeurs (Mademoiselle K, c’est un groupe de 4 musiciens, ndlr). Ce qui fait l’essence du groupe, c’est qu’on est à la fois soudé et libre. On marche au plaisir, et y a des liens très forts entre nous grâce aux concerts qu’on a fait. Le 2ème album n’en sera que plus fort, je pense. Le meilleur reste à venir.

Photos et propos recueillis par Sonia Mestre

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