Des enfants qui jouent dans le sable, des familles qui pique-niquent sur le bord de la route, des jeunes qui profitent du soleil sur les rochers… Le décor semble idyllique dans le Parc National des Calanques, mais il est fortement pollué. Durant des décennies, des industries y ont travaillé la soude, le plomb et rejeté leurs scories, ces résidus brûlés, dans ce milieu naturel.
Par méconnaissance, et simplicité à l'époque, ces rejets fortement pollués ont été laissés là, en pleine nature et à quelques mètres du bord de mer. Souvent, ils ont été utilisés comme remblais pour façonner la route des Goudes.
Pourtant, le risque est bien réel pour la population. Ici, plus personne n’a de potager, c’est d’ailleurs interdit. Et les touristes et locaux ne savent pas réellement les risques qu’ils prennent en profitant de ces petites criques et de cette promenade.
« Il y a un risque d’ingestion involontaire » explique Melody Gros, chef de projet à l’ADEME sur ce grand chantier de mise en sécurité. En clair, on imagine un enfant qui ferait tomber son sandwich par terre ou dans le sable et qui le mettrait ensuite à la bouche, il serait alors contaminé par tous ces métaux lourds présents ici dans la nature : plomb, mercure, arsenic.
C’est précisément l’enjeu de ce projet : dépolluer ce secteur long de deux kilomètres entre la calanque de la Saména et Callelongue, et le débarrasser de ces tas de terres polluées, ou tout au moins le mettre en sécurité quand ce n’est pas possible de les retirer.
Une vingtaine de zones ont été identifiées comme à traiter en priorité, la totalité est située en bordure ou à proximité de la route, là où ces scories ont souvent été utilisées comme remblais.
Dans la plupart des cas, il s’agira de chantier de dépollution : on enlève ces terres souillées pour rendre la nature dans son état originel. Mais parfois, parce que la configuration du site est complexe ou que le remblai soutient toujours la route, on va le laisser sur place et bien le confiner, tel un sarcophage. On parle alors de mise en sécurité plus que de dépollution.
Le chantier va se dérouler en deux phases: une première dès maintenant et jusqu'en mars 2026 sur 7 premiers sites, puis les 13 autres de septembre 2026 à mars 2027.
C’est l’un des endroits où cette pollution est la plus visible et probablement la plus dangereuse : La Calanque de la Samena est la toute première sur la route qui mène aux Goudes. Même si elle n’est pas bien grande, elle accueille de nombreux visiteurs en été sur sa plage ou les rochers à proximité. La pollution y est omniprésente. Une grande scorie forme un monticule à quelques mètres de la plage. Des panneaux indiquent le danger mais jusqu'à présent ignorés par de nombreux visiteurs.
La calanque de la Samena fait donc parti des sites prioritaires : la plage, avec ses galets et sable vont être remplacés, du moins pour sa partie terrestre. Cela pose quand même question puisque la partie imergée restera en l'état, et se mélangera certainement à nouveau avec celle au sec lors des épisodes de houle.
Néanmoins, l’ADEME, qui coordonne le chantier se veut confiante. Melody Gros, chef de projet sur ce chantier l’affirme « oui, les familles pourront désormais y venir en toute sécurité, c’est le but de notre action ! »
Outre le remplacement du sable, plusieurs travaux de mise en sécurité de ce site seront réalisés en évacuant les scories, en remplaçant et reconstruisant les murs de soutènement, les restanques et les escaliers d'accès pour le public à la calanque.
Ce chantier fait parti de ceux qui seront réalisés cet hiver et l’ouverture officielle de la calanque de la Saména au grand public est donc prévu dès la fin mars, avec enfin une calanque propre et accueillante sans pollution.
Le chantier concerne uniquement la partie terrestre du site. Il n’est pas prévu d’action pour dépolluer les sédiments qui seraient tombés et accumulés dans l’eau. Et pourtant, même si elle y est plus invisible, la contamination est aussi présente en mer devant les rochers.
« Les analyses ont relevé des concentrations dans les oursins et les moules » reconnait Cécile Morciano, responsable sur service santé environnement à l’ARS PACA pour le département des Bouches du Rhône.
En effet, ces mollusques et échinodermes filtrent l’eau et accumulent les métaux lourds dans leurs organismes. C’est pour cela que la préfecture a pris un arrêté interdisant la pêche de tous les coquillages de la Madrague de Montredon jusqu’à Sormiou, afin d’y intégrer également l’émissaire de Cortiou.
Concernant la consommation des poissons, l’ARS se veut rassurant : en général, ils ne restent pas sédentaires, et même s’ils broutent des algues ou posidonies poussant dans une zone contaminée, les taux seraient particulièrement faibles et sans danger pour l'homme.
Quand aux eaux de baignade à proximité : l’eau est brassée naturellement et se déplace au gré des courants, il n’y a donc aucun risque à boire la tasse dans ce secteur.
La société AnteaGroup qui réalise les travaux et l’ADEME qui les coordonnent s’attaquent donc à un projet à haut risque : il s’agit d’enlever des terres très polluées sans pour autant contaminer les habitants du secteur et touristes de passage. Tout un dispositif est mis en place pour sécuriser au maximum ce chantier réalisé en pleine nature. Les terres extraites vont être confinées puis transférées vers des sites de traitement spécialisés hors du département.
Autour des 20 points de chantier, des mesures vont être faites en continu pour surveiller la teneur en pollution qui pourrait s’échapper via des poussières des chantiers. Un seuil d’alerte a été fixé et en cas de dépassement, les différents chantiers seront interrompus. « Il n’y aura pas d’impact sur la population » affirme Melody Gros de l’ADEME.
Deux stations météo vont être installées, 10 appareils pour mesurer la qualité de l’air ambiant et les concentrations en métaux. Une douzaine de jauges Owen mesueront les retombées de poussière.
Le détail des mesures et leur suivi est disponible sur le site de l’ADEME spécialement créé pour ce chantier hors-normes :
https://calanques-de-marseille.ademe.fr
https://calanques-de-marseille.ademe.fr/intervention-ademe/surveillance-de-la-qualite-de-lair/
Crédit photo une ©Antea Group