La ville de Briançon va être métamorphosée avec l’arrivée des Jeux Olympiques en 2030. Cette sous-préfecture d’à peine 11 000 habitants est en déclin depuis le début des années 2000 et le départ des garnisons militaires. Briançon a pourtant connu son heure de gloire avec Vauban, et ses impressionnantes fortifications aujourd’hui classées au patrimoine de l’UNESCO. Son positionnement stratégique à deux pas de l’Italie a longtemps été sa force, mais aujourd’hui, son enclavement au fond de la vallée de la Durance, plus de trois heures de route et cinq heures de train des capitales régionales, en fait une vraie faiblesse. Tournée essentiellement sur le tourisme, elle compte sur ces Jeux Olympiques d'hiver de 2030 pour un grand plan de redynamisation.
« Les Jeux Olympiques sont une opportunité que les Hautes Alpes et Briançon n’ont jamais connue. » reconnaît ce mercredi 16 avril Arnaud Murgia, le maire de Briançon. Depuis des années, il assiste, impuissant, à la dégradation du patrimoine de la commune, et notamment les nombreux forts construit tout autour de la ville « Ces monuments sont en danger, ils ne se sont vu offrir aucune solution depuis des décennies. Nous, l’Etat, la région, le département et la ville, y avons investi parfois jusqu’à un million d’euro si ce n’est que pour le faire tenir debout. Nous ne voulons pas voir ces édifices s’effondrer pierres après pierres. »
Construit dès 1709, d’après les plans de Vauban, le Fort des Trois Têtes, souvent appelé Fort des Têtes, est à l’abandon depuis des décennies. Il fait pourtant parti du périmètre classé par l’UNESCO et au titre des monuments historiques. Mais aménager un tel site, avec ses 9 hectares, ses contraintes patrimoniales et architecturales et son état de dégradation nécessitait un plan que seuls les Jeux Olympiques peuvent supporter.
Avec les épreuves de snowboard et de ski acrobatique organisées à Montgenèvre et Serre-Chevalier, ce sont 940 athlètes qui vont y être logés durant cette olympiade. Tout juste créée, la SOLIDEO, la société de livraison des ouvrages olympiques a désormais pour mission de transformer cette friche militaire en village moderne des athlètes.
L’engagement de ces Jeux Olympiques, c’est d’être sobres et utiles à la populationn et notamment d'apporter un héritage concret aux territoire.
Ce village des athlètes va devenir ensuite devenir un nouveau quartier de Briançon. Il sera transformé en 150 logements mais aussi un hôtel et des restaurants.
La ville de Briançon réfléchit aussi à y installer un nouveau théâtre intercommunal, et aussi un lieu muséal sur l’œuvre de Vauban. « Un témoignage de l’histoire même de ce site, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, nous avons ici une histoire militaire que je souhaiterai être mise en valeur dans la reconversion du site. » précise le maire.
Financièrement, c’est un format original, qui permet de faire financer une partie du budget par les opérateurs privés quin en contrepartie, et tels des promoteurs immobiliers, revendront ces appartements au public après les Jeux Olympiques. Ainsi, après les Jeux, 60% des logements seront vendus à des particuliers, 30% seront destinés à du logement social et solidaire et enfin 11% seront spécialement dédiés au logement des saisonniers, un problème récurrent dans cette région.
Si aucun budget n'est aujourd'hui dévoilé, c'est précisement parce que la SOLIDEO veut impliquer des opérateurs immobiliers et que ce seront eux qui payeront une partie des travaux de rénovation du fort en contrepartie de ce qu'ils en feront après les Jeux Olympiques.
Le fort va donc être largement transformé. Les bâtiments actuels vont être rénovés mais ne suffisent pas. On va donc les agrandir. Etant donné que l’on est dans un site particulièrement classé, c’est sur les bases de plans de Vauban que la SOLIDEO souhaite apporter trois extensions à des bâtiments actuels. « Ces extensions avaient été dessinées mais jamais construite » précise un acteur du projet.
Ces agrandissements permettront aussi de s’affranchir un peu des règles d’aménagement intérieur du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, le fort est principalement constitué de cellules de 30m² avec une fenêtre. Elles resteront, mais ces nouvelles extensions, si elles garderont un aspect extérieur cohérent avec l’ensemble, permettront des aménagements intérieurs plus modernes.
Malgré cela, il faudra aussi créer des structures provisoires pour les Jeux Olympiques : restaurants, centre médicaux, centres des médias, salles d’entraînement… Au moins 4 éléments provisoires sont imaginés dans le fort durant ces Jeux Olympiques.
Autre chantier qui va changer Briançon, c’est celui de l’ancienne usine de la Schappe. Cette fois-ci nous sommes dans la ville basse, tout près de la Durance. Cette usine textile du XIXe siècle est elle aussi à l’abandon depuis des décennies et va, elle aussi, devenir un maillon clé de l’organisation des Jeux dans le Briançonnais. « Notre objectif est de pouvoir préserver la richesse patrimoniale de ce lieu qui est un marqueur du Briançonnais et lui redonner vie. » souligne le maire. Il servira de lieu d’hébergement temporaire pour les bénévoles et forces de l’ordre. Ensuite, ce sera 150 logements, dont 25 % de logements dédiés aux personnes à faible revenus. Et quelques commerces au rez-de-chaussée.
Un autre projet est « à l’étude », celui de créer une télécabine reliant directement cette ancienne usine située en ville au village des athlètes perché à 1400 mètres d’altitude. Sur le papier l'idée semble très séduisante, mais elle n’emballe pas réellement les élus locaux.
« C’est quelque chose d’optionnel. » souligne Arnaud Murgia, le maire de Briançon. « Il faut qu’on étudie l’exploitation future d’un tel équipement, sachant qu’il existe déjà des équipements routiers pour accéder au Fort et qui fonctionnent. On ne veut pas faire un équipement qu’on ne saurait pas exploiter derrière.»
Dans un contexte de budgets contraints, ce projet de télécabine doit encore prouver son utilité, notamment après les JO.
Le président de la SOLIDEO, Damien Robert, le reconnaît sans détour, ce projet est prioritaire et sera complexe. Il va devoir tout d’abord faire une véritable course contre la montre puisque les Jeux y seront organisés dans moins de cinq ans. Malgré une loi spéciale censée simplifier le processus et qui sera voté très prochainement, c’est un délai très court pour réaliser les études, purger les éventuels recours et s’atteler aux travaux. Aucun retard n’est possible, tout le monde le sait.
C’est d’ailleurs pour cela que la SOLIDEO veut travailler d’une manière la plus efficiente possible, en lançant dès maintenant un appel à projet qui permettra de sélectionner dans un premier temps une short-list d’acteurs immobiliers capables de réaliser l’opération. Ensuite, et dès cet été, une nouvelle phase permettra un travail de co-construction pour imaginer le projet, définir le cahier des charges et sélectionner l’opérateur immobilier d’ici début 2026. A partir de là, il lui restera donc moins de quatre ans pour lancer les processus d’autorisation et de travaux.
Contrairement aux projets nouveaux sortis de terre, la transformation du Fort doit s’adapter aux enjeux historiques et patrimoniaux, avec d’importantes contraintes liées au classement du fort. Le résultat s’annonce particulièrement esthétique et grandiose, avec pour la première fois des athlètes logés dans un véritable château fort. ce village olympique sera sans conteste l'emblême de l'héritage de ces Jeux de 2030 même si Vauban n’aurait jamais imaginé dessiner un village olympique ! Gabor Mester de Parajd, l’architecte en chef des monuments historiques est d’ores et déjà associé au projet. Et c’est bien le projet qui va devoir s’adapter aux fort et pas l’inverse.
Il fut un temps où l’on imaginait qu’un TGV puisse arriver à Briançon, qu’un tunnel soit creusé sous le Montgenèvre permettant enfin aux trains de ne plus s’arrêter là, de pouvoir désenclaver les accès routier à la ville depuis la vallée de la Durance… Les délais trop courts, la crise économique et le manque d’ambitions politiques ont clairement abandonné ces grands projets. Certes, il est question de moderniser la ligne ferroviaire, mais pour passer d’un trajet de 5 heures à « seulement » 3 heures 30 depuis Marseille.
Durant les Jeux Olympiques, si le train peut devenir compétitif en termes de temps de trajet, ce sera uniquement grâce aux embouteillages sur les routes de la vallée de la Durance.
Un des paradoxes des Jeux Olympiques des Alpes Françaises, c’est qu’il sera souvent plus rapide de passer par l’Italie pour circuler entre les sites d’épreuves. Ces Jeux Olympiques de 2030 n’ont fait émerger aucun grand projet structurant pour améliorer le désenclavement routier de Briançon.
Pire, certains projets, comme la déviation de la Roche de Rame sont abandonnés et vont se concrétiser par un temps de trajet plus long pour traverser ce village qu’aujourd’hui.
Au mieux, on parle d’accélération de certains projets dans les cartons, comme la déviation de Gap, mais rien de neuf, si ce n’est une troisième voie qui permettra de relier Briançon aux épreuves de Serre Chevalier. Cette nouvelle voie routière permettra aux athlètes d’éviter les bouchons, du moins jusqu’au centre ville de Briançon. Car là aussi, on attend toujours des projets permettant de fluidifier la circulation déjà très compliqué aujourd’hui dans Briançon et sans les JO.