À Toulon, la Villa Rosemaine accueille depuis jeudi dernier et jusqu'au 16 mai 2026 une exposition consacrée aux costumes de travestissement. Ancien danseur devenu collectionneur passionné, Serge Liagre dévoile des pièces rares issues de plusieurs siècles de mode et de spectacle.
À 13 ans déjà, il chassait les costumes provençaux sur les marchés aux puces du Var pour les revendre aux troupes folkloriques locales. Quelques décennies plus tard, l’adolescent est devenu danseur professionnel à l’Opéra de Monaco, puis administrateur de l’Opéra de Toulon, tout en continuant d’accumuler des pièces rares. Sa carrière lui permet de côtoyer les grands noms de la mode – Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent ou Pierre Cardin – et de nourrir sa curiosité pour l’histoire vestimentaire.
En 2010, il acquière à Toulon la Villa Rosemaine, une bastide de 1907 restaurée pour accueillir sa collection. « J’ai voulu transformer cette maison marquée par son passé, jusque-là sombre, en un écrin pour mes costumes », confie-t-il. Lieu intime et familial, la villa est devenue au fil des ans un espace d’exposition où il partage ses passions, en particulier pour les habits du XVIIIe et du XIXe siècle, mais aussi pour les créations plus récentes du XXe.
L’exposition actuelle s’attache aux costumes de travestissement. Ces habits de déguisement trouvent ici une reconnaissance patrimoniale. D’Arlequin au cabaret, des bals costumés aux planches de théâtre, toutes les pièces présentées sont inédites.
« Je ne fais jamais deux fois la même exposition », assure Serge Liagre, qui puise dans un fonds accumulé sur plusieurs décennies. Le parcours fait voyager de la Belle Époque aux années 80, entre costumes de cour, habits bourgeois ou créations signées.
Si la collection est impressionnante, la présentation laisse parfois le visiteur sur sa faim. Plusieurs points interrogent. Les mannequins numérotés donnent une impression d’inventaire plutôt que de mise en valeur.
Certaines pièces sont suspendues sur des portants, comme dans une penderie, quand on s’attendrait à une véritable scénographie muséale. L’éclairage, pensé pour protéger les tissus, aplatit les broderies et écrase les détails.
Et enfin, les costumes sont racontés avant tout par leur histoire et par la passion du collectionneur, mais peu par leur fabrication. Or le savoir-faire artisanal – broderies, boutons, techniques textiles – mériterait d’être davantage mis en lumière.
C’est là que réside l’ambiguïté : la Villa Rosemaine offre la vision d’un collectionneur qui « flashe » sur les pièces, plus qu’un centre d’étude sur le textile. Le discours est vivant, mais très personnel. Les connaisseurs apprécieront la rareté des costumes ; les autres auront parfois l’impression de feuilleter un album de souvenirs.
L’initiative reste précieuse : elle donne une visibilité à un pan méconnu de l’histoire de la mode et contribue à enrichir l’offre culturelle toulonnaise. Mais pour franchir une nouvelle étape et toucher un public plus large, la Villa Rosemaine gagnerait à développer la pédagogie autour des savoir-faire textiles, à renforcer la scénographie, et à imaginer une accessibilité plus inclusive. Stationnement limité, escaliers non adaptés aux personnes à mobilité réduite et disponibilité de visite guidée seulement 2 fois par semaine sur un créneau très restreint... les gens travaillent pourtant.
Au fond, cette exposition dit tout du parcours de son fondateur : un danseur passionné devenu collectionneur instinctif, qui transmet avant tout son émerveillement. Une énergie précieuse, mais qui appelle désormais à s’accompagner d’outils muséographiques plus solides pour transformer la Villa Rosemaine, qui se dit "Centre d’étude et de diffusion du patrimoine textile", en un véritable lieu de référence du costume.
Villa Rosemaine, 436 Route de Plaisance, 83200 Toulon
Du 18 septembre 2025 au 16 mai 2026
Entrée seulement par visite guidée.
2 créneaux par semaine, à 15h.
Tarifs : 7€
Réservation sur le site de la Villa
À l’occasion des Journées européennes du patrimoine, elle sera ouverte gratuitement au public les 21 et 22 septembre, sans réservation.