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Comment protéger le Parc National des Calanques des incendies ?

Après le feu de ce lundi, les questions se posent sur la protection du massif. Situé en périphérie de la ville, le Parc des Calanques est particulièrement exposé aux incendies. La ville accuse l'Etat de ne pas le prendre suffisamment en compte.

Publié par Jean-Baptiste Fontana le 06/09/2016
Comment protéger le Parc National des Calanques des incendies ?

Le feu est passé. Il a parcouru 390ha en quelques heures seulement. Si les calanques ont pu être protégées au prix d'intenses efforts de la part des pompiers, le Parc National, joyau naturel de Marseille a été sérieusement touché. Des feux aux portes de Marseille, c'est malheureusement une habitude, c'était encore le cas le 10 août au soir. Mais là, le symbole est fort. Un parc national est en proie aux flammes, et ce n'est pas la première fois.

Polémique autour de l'aménagement du massif

Le Maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, est remonté contre les services de la DREAL, l'antenne régionale du Ministère de l'Environnement qui chapote le dossier des Calanques. Les marins pompiers et la ville souhaitent développer le réseau de pistes DFCI et de citernes sur le massif, indispensables pour l'accès des camions en cas d'incendie. Ils s'opposent à la rigidité de l'administration qui mettrait en avant des enjeux écologiques avant ceux des pompiers. C'est un paradoxe : là où le Parc National serait censé protéger la nature, elle le fragilise en compliquant le travail de protection contre les incendies. 

"Nous avons l'obligation d'avoir un projet de défense global contre les feux de forêt" explique Jean-Claude Gaudin. "Nous demandons expressément que l'on puisse agrandir les pistes DFCI, que l'on puisse construire des citernes de telle manière que l'on puisse faciliter le travail des marins pompiers. (...) Les services de la DREAL et de Madame Royal ne nous permettent pas de le faire. Les services de l'environnement nous disent que l'on ne doit rien changer, rien toucher même lorsque c'est indispensable d'essayer de faciliter le travail de ceux qui mettent leurs vies en jeu à l'occasion de ces feux"


Julien RUAS, délégué au Bataillon de marins-pompiers précise : "La priorité des priorités est de construire un plan de massif. Depuis 2009, les services de l'Etat nous refusent de façon régulière, par exemple, la réalisation de la piste de la Panouse ( juste au nord du secteur ravagé NDLR). A chaque fois que nous arrivons avec un dossier ficelé, des études d'impact paysager, de la faune et de la flore, il est retoqué. Nous ne voulons pas défigurer un territoire qui est le notre, nous voulons le protéger. Effectivement, quand on construit une piste de 10m de large ce n'est pas très joli, mais vaut mieux ça que contempler la désolation de 400ha brûlés".

"Le caractère peri-urbain, qui fait la spécificité du Parc National des Calanques, doit être intégré par ceux qui décident au nom de l'Etat"
Lionel ROYER-PERREAUT, Maire des 9ème et 10ème arrondissements touchés par l'incendie.

MAJ. 20h00 : Les précisions de la préfecture

Interpellée par la ville, la préfecture, représentante de l'état a tenu à apporter des précisions. Elle ne remet pas en cause la construction des pistes, mais confirme les contraintes de protection de l'environnement qui bloquent notamment la piste de la Panouse:

"La prévention des incendies relève de plusieurs facteurs pris en compte par les services de l’État : les obligations de débroussaillement, la création de pistes DFCI et la mise en place de réservoirs d’eau. Ces trois obligations de fond doivent prendre en compte la préservation de la biodiversité et des paysages au sein du Parc national des Calanques, site classé & Natura 2000.
(...)
Sur la piste DFCI de la Panouse, le Ministère a demandé qu’une étude d’évaluation des incidences Natura 2000 plus complète que celle qui leur avait été adressée soit produite conformément à ce que requièrent les enjeux de biodiversité et la qualité d’insertion dans un tel site. Le Ministère n’a en revanche pas remis en cause le principe de la création de cette piste tout a fait conscient des enjeux de sécurité civile et de préservation même du massif des Calanques."

Elle annonce également la création prochaine de "l'élaboration du plan de massif conduit avec l'ensemble des partenaires institutionnels et sous l'animation du Parc national des Calanques."

Et maintenant, quel avenir pour la zone détruite par le feu ?

La ville espère que ce drame fera enfin bouger les lignes et permettra la réalisation des pistes DFCI dans les Calanques. Et pas dans l'urgence comme ce lundi soir lors de l'incendie... Certaines de ces fameuses pistes demandées depuis des années ont été tracées en seulement deux heures par les bulldozers pour permettre aux pompiers d'accéder au feu.

Un mal pour un bien, c'est en tout cas le scénario qui s'est produit sur le massif de l'Etoile au nord de la ville. Après le violent incendie de 1997, un vaste réseau de pistes a pu être tracé. Il a permis une réaction rapide et efficace des pompiers lors des différents départs de feux enregistrés ces dernières années.

Côté végétation, la politique n'est plus au reboisement. Ce fut le cas dans les années précédentes, mais l'implantation de pins, les arbres qui repoussent le plus vite, favorise la propagation des incendies. Le feu de ce lundi s'est d'ailleurs propagé rapidement sur un versant où des reboisements avaient été effectués par le passé.

Le travail des forestiers est de favoriser le développement des chênes verts, moins virulents en cas d'incendie. Pas de reboisement, mais une protection accrue des jeunes pousses pour leur donner un maximum de chances de grandir. Un travail particulier aussi de protection pour éviter le piétinement de cette zone protégée. Enfin, pour éviter l'érosion lors des orages, la mise en place de fascines. Ces mini restanques en bois permettent de retenir la terre. Un travail qui sera particulièrement difficile dans ce secteur des calanques déjà lourdement touché par les incendies.

Les calanques, un massif martyrisé par les incendies

Le plus important était en 1979. Mais c'est celui de 1990 qui avait un profil proche de celui de ce lundi : un départ en zone urbaine, à l'époque dans le quartier de Saint Tronc, avant de se propager avec un fort mistral au massif sur un chemin assez similaire. Sauf, que cet été, les pompiers ont réussi à le stopper au niveau de la ferme des Logissons, évitant ainsi qu'il ne redescende vers Cassis et les calanques d'En Vau et Port Miou. En  1990, 2.900ha avaient été parcourus et le désastre avait marqué les mémoires. La population avait du fuir précipitamment les calanques, une trentaine de bateaux avaient brûlé, une dizaine d'habitations endommagées, et une balafre indélébile sur le massif.

Plus récemment, en 2009, c'est un incendie qui était parti du camp militaire de Carpiagne est qui était redescendu sur Marseille. Cette fois-ci les calanques n'avaient pas été menacées car le vent soufflait de l'est et non pas en mistral comme habituellement.

D'une manière générale, la zone touchée concernait "Une végétation en régénérescence, qui commençait à reprendre. C'était de l'habitat pour de petits animaux, des insectes qui revenaient sur ce site et participaient à l'écosystème de l'ensemble du territoire du Parc des Calanques. Comme l'incendie est déjà passé plusieurs fois, la nature aura plus de mal à se régénérer, et va plus lentement. On aura encore plus de mal à faire revenir de la verdure et des espèces animales." explique Didier Réault, Président du Parc National des Calanques.

 

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