Les ingrédients du conte de Charles Perrault sont connus de tous : un père dur au mal, une mère tiraillée jusqu’au plus profond de ses entrailles, un ogre, des frangins et une ribambelle d’accessoires tels petits cailloux blancs, bonnets, couronnes ou bottes de sept lieues.
Dans la version proposée par Laurent Gutmann, les cartes ont été joyeusement redistribuées. Exit les six frères aînés, car il ne reste plus qu’un enfant unique, plutôt âgé, balloté de cour à jardin, entre ‘‘l’éternel enfant dont on ne sait que faire et le presque vieillard inutile dont on se débarrasse parce qu’on en a un peu honte’’. Les parents, cheveux gras et look Deschiens, peu sympathiques et cruellement indignes, rivalisent de fourberie pour l’affamer ou le perdre en forêt. Le genre d’histoire qui ferait aujourd’hui un fait divers des plus crapoteux.
Laurent Gutmann n’élude aucune des terreurs auxquelles le petit poucet est confronté. Jouant avec le concret des situations aussi bien qu’avec les incursions du fantastique, il promène le spectateur aux frontières d’un univers fantasmé, jusqu’à lui faire ‘‘perdre ses repères’’. Une version acide, fascinante et décapante du conte de Perrault.