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Reportage : N c'est noir, reste-t-il de l'espoir ?

Sur l'échelle de Richter de l'émotion chorégraphique, " N " se situerait bien au-dessus de ce que l'avertissement sur le programme pouvait laisser imaginer.

Publié par Pauline . le 05/06/2025 - Mis à jour le 12/06/25 16:12
Reportage :  N  c'est noir, reste-t-il de l'espoir ?

Ce « N » est la reprise de la pièce d’Angelin Preljocaj de 2004 par le Ballet Junior.

Certes, bouchons d’oreilles et paupières plissées atténuent l’intensité sensorielle, surtout en fin de spectacle, mais n’entravent nullement l’impression de submersion ressentie pendant 1h10 de concentré de toute la noirceur du monde.

Le premier tableau s’ouvre dans l’obscurité, qui évolue en pénombre poisseuse dont les corps semblent peiner à s’arracher. Tandis que le regard s’accoutume à la faible luminosité, les danseurs et danseuses se font insectes, rampant dans un grouillement lourd de menaces, se provoquant et s’affrontant jusqu’à s’entre-dévorer.

Ce temps de la « N » se poursuit dans un espace humanisé où les corps soulignés par un extraordinaire travail de l’équipe régie lumière, semblent recréer les lois d’une élasticité arrêtée dans des mouvements proches du sol. On se sent entraîné bien loin de notre zone de confort intellectuel - le deni de haine est impossible. L’interaction prend des airs de tortures, d’accouplements dans la douleur. Les corps et les gestes ne sont plus qu’agression, les pieds aussi menaçants que les bâtons, les doigts sont intrusifs, les bras, les bouches se tordent. Angelin Preljocaj explore une esthétique de la violence, crue, qui nous pousse au-delà des retranchements mentaux que l’actualité nous rappelle quotidiennement.

Au moment du salut final, devant les sourires juvéniles de la joyeuse troupe du Ballet Junior, dans leurs costumes dépouillés, la portée politique de l’œuvre s’impose, et avec elle la nécessité de reprendre des pièces d’une telle force si tragiquement contemporaine, avec l’espoir que l’art puisse enfin briser le cycle de la violence dans lequel notre espèce semble enfermée.











Par Isabelle SAVY
            Photos Didier PHILISPART

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