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Interview : Napo Romero ancien guitariste de Mano Solo

Les Hurlements d'Léo chantent Mano solo et seront en concert à Marseille le 26 novembre. Rencontre avec Napo Romero, ancien guitariste de Mano qui participe au projet.

Publié par Redac . le 18/12/2015 - Modifié le 06/01/16 09:29
Interview : Napo Romero ancien guitariste de Mano Solo

La France est en deuil. C'est aussi un lieu de culture qui a été attaqué vendredi soir. En tant qu'artiste quels sont vos sentiments aujourd'hui ?

" Des sentiments multiples. Des sentiments tellement multiples d’ailleurs qu’on n’arrive pas à dormir. Ce qui est attaqué c’est le vivre ensemble au travers du Bataclan, des bars, du stade. C’est la jeunesse, c’est le vivre ensemble. Pour moi le vivre ensemble c’est la meilleure arme pour lutter contre le racisme. "


 "Je pense qu’un artiste n’est pas là que pour faire plaisir ou que pour faire de la musique."


Justement en tant qu'artiste, vous pensez avoir une mission particulière ?

"Bien sûr. On peut appeler ça une mission mais j’appelle ça des possibles. Parfois les gens n’ont pas la parole, on l’a. De temps en temps des artistes qui ouvrent la bouche arrivent à faire passer des choses. Je pense qu’un artiste n’est pas là que pour faire plaisir ou que pour faire de la musique. C’est un journaliste de son époque, de son temps. On chante des chansons qui concernent notre époque, notre temps.

On parle de la vie et il y a tout ça dans la vie : la politique, la mort, la joie, la guerre…On est obligés de parler de ces sujets là. On ne peut pas parler uniquement des feuilles qui tombent en automne et des fleurs qui poussent au printemps. Il faut parler de la vie, et pour moi un artiste c’est aussi ça."

Vous avez un rôle de sensibilisation ?

"Depuis que je fais de la musique, ça fait 35 que je tourne, et j’ai toujours fait des concerts de soutien à des causes que je trouvais justes. Notamment le racisme, le fascisme, car pour moi c’est le premier combat à mener. Y compris par rapport aux événements qui se sont passés. Ils découlent d’une politique qui ne s’est pas battue pour les quartiers, pour que la jeunesse issue de l’immigration trouve une place en France. Les mesures les plus importantes sont les mesures de vie et de paix pour les quartiers, ce n’est pas la surenchère policière."


 "Au lieu de caresser notre égo avec nos compositions, si on rendait hommage à un artiste qui nous a rendu service."


Quelle est la genèse de cet hommage à Mano Solo ?

"La genèse de l’hommage sort de la tête du chanteur de groupe, qui après presque 20 ans de tournée avec les Hurlements d’Léo s’est dit « tiens au lieu de caresser notre égo avec nos compositions, si on rendait hommage à un artiste qui nous a rendu service, qui nous a donné l’envie de faire de la musique, et de chanter des chansons réalistes". Il a eu envie de faire cette halte là et quand il en a parlé au groupe, le groupe lui a répondu « on veut le faire aussi ». C’est parti comme ça.

De là Lolo a contacté la manager de Mano et lui en a parlé. De fil en aiguille, c’est arrivé jusqu’à moi. J’ai joué avec Mano pendant quelques années, et on avait monté les Frères Misère ensemble. Un groupe un peu énervé, parce que l’actualité de l’époque nous énervait déjà pas mal, et qu’il fallait qu’on ait un mot à dire. Et d’ailleurs le mot qu’on disait à l’époque est toujours d’actualité c'est-à-dire « il n’y a plus que les fachos pour avoir de l’espoir ». C’était il y a 20 ans. J'ai voulu suivre les Hurlements d'Léo parce que je trouvais génial qu’il se passe un hommage maintenant à Mano Solo, à ce grand poète, ce combatant unique dans la chanson française. Donc je suis guitariste et je les accompagne pour présenter ce répertoire là qui va des titres de Mano Solo à ceux des Frères Misère plus engagés."

Oeuvre existante, nouveau groupe. Il y a des choses nouvelles dans votre proposition ?

" C’est un nouveau groupe, qui prend les choses en main. Donc oui c’est différent, car il s’agit d’un groupe alors que Mano Solo était une entité avec des musiciens autour. Là c’est l’engagement d’un groupe et je trouve que c’est assez différent comme approche. Tout le monde est là pour défendre quelque chose avec le respect de l’œuvre d’un artiste et une bienveillance que je trouve assez unique, et qui permet justement de mener ce projet dans la durée.

Ca fait un moment qu’on tourne, et l’accueil qu’on a est exceptionnel et le retour du public nous tire vers le haut. Le public trouve ça qualitatif et a un regard bienveillant sur cette œuvre de monsieur Mano."


 "Comme il le disait lui-même « tant qu’il y aura des gens qui écouteront mes chansons je serai un peu là dans ce monde à la con »."


En tant que guitariste de Mano, quelle a été votre place dans le projet ?

"C’est très particulier. Mano est un ami d’enfance, on a fait plusieurs groupes ensemble. J’ai beaucoup d’affectif du coup. Je pensais pas faire un truc comme ça, mais le fait que d’autres le fassent sans moi c’était pas possible, surtout quand ils prévoyaient de le faire bien. Et là j’ai senti que ça allait être bien fait, qu’il y avait une vraie volonté de travailler les morceaux, de soigner les arrangements.

Travailler sur un album qui soit joli, avec une vingtaine d’invités, un double album d’ailleurs avec des invités de qualité. Une relation sympathique autour d’un artiste qui n’est plus là mais dont l’œuvre est là. C’est ça qui est fondamental dans le projet, c’est de continuer à faire vivre l’artiste, mon copain Mano à travers une autre interprétation. Je sais qu’il y a des élèves qui étudient les chansons de Mano en cours de français et ça me fait plaisir. Comme il le disait lui-même « tant qu’il y aura des gens qui écouteront mes chansons je serai un peu là dans ce monde à la con »."

Le mot de la fin

"Je voudrais rajouter que par rapport aux événements la meilleure démarche c’est de jouer. De jouer devant du monde, que les gens ne soient pas effrayés de venir à des concerts. Que même si on doit se faire péter la gueule on sera là quand même, parce qu’on ne peut pas céder à cette parano là. Si on arrête de sortir et de vivre ensemble, ils auront gagné et ça c’est intolérable. On ne peut pas les laisser gagner. »


 

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