Helikopter Streichquartett de Karlheinz Stockhausen est une pièce intense, provocatrice jusqu’à dépasser les curseurs de beaucoup d’oreilles même les plus averties ; comme le compositeur nous l’explique dans le dialogue filmé avec le chorégraphe, il sollicite l’omniprésence de la technologie dans le référentiel culturel d’aujourd’hui en la combinant avec les codes traditionnels du quatuor à cordes revisités.
Dans l’illustration de Preljocaj, c’est l’habillage visuel, autant que la musique, qui semble dicter la chorégraphie : lignes fixes puis mouvantes, cercles fixes puis mouvants, les gestes et déplacements des 6 danseurs déclenchant des effets lumineux hypnotisants. Le son et le geste se fondent en une perception renouvelée de l’espace. L’impression produite est celle d’un cadre géométrique jusqu’à l’abstraction. Après ce travail de sculpture quasiment mathématique du plateau, Licht (lumière en allemand), propose un changement de temporalité d’un mode débridé.
Ce sont les années 80 qui sont évoquées avec Laurent Garnier, pionnier de la musique électro, et sa relecture du tube planétaire des Korgis (Everybody’s gotta learn sometime). Mais ce voyage dans le temps nous ramène constamment au présent, grâce aux corps des danseurs, d’abord revêtus de costumes datés « eighties », puis de plus en plus dénudés, se rapprochant d’un essentiel jubilatoire au fil de la chorégraphie. Le tableau le plus éloquent est le moment magique où les 12 danseurs tissent au sol une trame organique qui roule et se coule dans en mouvement d’une ample et belle sensualité.
Un grand bravo aux danseurs de la troupe, dont ce double spectacle donne à voir un accomplissement d’une précision athlétique, entre tension et lâcher-prise.
Par Isabelle Savy
Photos Didier PHILISPART