Ils sont émouvants et drôles, Bouvard et Pécuchet, improbable duo de loosers magnifiques, Laurel et Hardy verbeux et philosophes de comptoir, que Flaubert envoie à la bataille pour régler ses comptes avec la bêtise de ses contemporains. Jérôme Deschamps, maître incontesté de la comédie, revisite le fameux roman de Flaubert. Quand la bêtise devient attendrissante, les souvenirs d'une famille Deschiens refont immédiatement surface. Un petit délice qui se déguste sans modération.
Redresseurs de torts, convaincus de l’imbécillité de la marche du monde et imbéciles eux-mêmes, Bouvard et Pécuchet vont pouvoir, grâce à un don du ciel, réaliser le rêve de leur vie. Stéréotypes, clichés, préjugés en tout genre, stupidités et idioties, voilà leurs bagages. Flaubert est bien un digne héritier de Rabelais, de Molière ou de Diderot. Comme ses illustres prédécesseurs, il n'hésite pas à fustiger la suffisance des médecins et l'hypocrisie des ecclésiastiques. Et tout le monde en prend pour son compte. On voit bien comment l’univers de Jérôme Deschamps peut s’acoquiner aux rebondissements de l’histoire, comment son génie comique peut surgir aux détours de la bêtise humaine. Ce propos politiquement incorrect est bien dans le ton des Deschiens et la distribution toute aussi savoureuse. Aux côtés du truculent Micha Lescot et de Jérôme Deschamps en personne, Lucas Hérault et Pauline Tricot trouvent matière à prouver leur talent d’acteur et de clown, avec quelques numéros hauts en couleur, de la haute voltige réglée au millimètre tandis que le spectacle enchaîne les scènes à toute allure, jouant de l’inattendu, de la surenchère, ne craignant jamais d’en faire trop, au contraire, ne reculant devant aucune insolence. L’humour de Jérôme Deschamps ne se laisse pas plus brider aujourd’hui qu’hier, et Flaubert, servi par Deschamps, nous invite à la plus hilarante autodérision.