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Fouilles de la Corderie : Le début des travaux suscite la polémique

Alors que le site doit être prochainement classé, le groupe Vinci a commencé les travaux, dégradant à coup de tractopelle les ruines grecques.

Publié par Jean-Baptiste Fontana le 02/08/2017
Fouilles de la Corderie : Le début des travaux suscite la polémique

Ambiance tendue ce mercredi matin sur le Boulevard de la Corderie (7ème arrondissement). Le Groupe Vinci vient de commencer à engager les travaux sur le site. La Ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a promis de classer 650m² du site, ce qui représente un sixième de sa surface totale. Le site des fouilles devra ensuite être ouvert de manière perenne au public. En attendant ce classement prévu à l'automne les riverains ne comprennent pas pourquoi on détruit dès maintenant une partie de ces ruines.

Des coups de tractopelle pour "mieux protéger les ruines" !

Dans un climat tendu, un chef de chantier explique maladroitement, mais très sérieusement, que le tractopelle est là pour protéger les fouilles. Des habitants souhaitent alors envahir le site. "S'il le faut, on va s'y enchaîner pour sauver nos ruines !" explique une habitante.

Rapidement, les élus de l'opposition arrivent et s'activent pour cesser les travaux. Benoît Payan, chef de file de l'opposition au conseil municipal, Christian Pellicani des communistes mais aussi Jean-Luc Mélenchon : Ce dernier est resté à Paris, mais son bras droit, Sébastien Delogu, contacte directement le directeur de Vinci France et réussit à faire stopper les travaux pendant 48h, le temps pour le collectif de citoyen de réagir.

 

Vinci peut construire son immeuble, par chance cette partie n'est pas protégée

Seuls 650m² vont être classés ; mais ce qui interpèle, c'est que ce tracé de la DRAC épargne étrangement la partie où est prévue l'immeuble depuis le départ.

Sur la photo en une de l'article, la partie à gauche des piquets doit être détruite pour y construire l'immeuble alors qu'elle semble être le prolongement naturel de la zone protégée à droite.

La DRAC s'est expliquée ce mercredi après midi sur la manière dont le site serait sauvegardé. Selon Xavier Delestre, Conservateur régional de l'archéologie  "Ce tracé, c'est nous qui l'avons fait, pas les promoteurs. La loi s'impose. Nous avons imposé à l'aménageur cette zone. On n'est pas dans une opération de dialogue." explique t-il. La partie condamnée "a été étudiée scientifiquement, et elle peut être détruite, car aujourd'hui, on a sa compréhension" mais il reconnaît aussi que "le rôle des archéologues est d'accompagner le changement, préserver le patrimoine et l'intérêt général".

La zone protégée et celles détruites coïncident parfaitement avec le projet de Vinci. Dans ses plans d'origine, la zone des 650m² protégés figurait déjà dans les espaces verts de la résidence. 

 

 

Pendant les travaux de construction de l'immeuble, la zone sanctuarisée sera protégée. Un tissu sera posé sur les ruines, puis du sable sera déversé afin de la recouvrir provisoirement jusqu'en juin 2019, date prévue de la fin des travaux.

La communication désastreuse de Vinci et de la DRAC

La ministre avait promis des actions de médiation entre les habitants et les acteurs du dossier. Le coup de force de Vinci qui débute ses travaux sans aucune explication a considérablement tendu la situation.

Attaquer un chantier en début août, en plein épisode de canicule... La méthode est originale. Un collectif de citoyens s'est formé et il est en colère contre la manière brutale dont le chantier est engagé. La médiation annoncée aurait dû se faire à la rentrée. "C'est un véritable passage en force!" peste Sandrine, une habitante du quartier. "On savait bien que ce chantier serait compliqué" reconnaît un ouvrier. Un imposant engin de chantier a finalement rebroussé chemin ce mercredi face à la mobilisation.

 

 

Pendant des mois la DRAC est restée silencieuse. "La communication n'est pas vérouillée, mais nous étions dans une période de réserve liée aux élections, et ensuite pour communiquer, il faut un minimum de résultats scientifiques" se justifie la DRAC. Alors que la sauvegarde d'une partie du site aurait dû susciter l'enthousiasme des riverains, l'image des tractopelles détruisant les ruines provoque la colère des riverains. "Ce qui se passe, ce n'est pas un coup de force de l'aménageur, c'est quelque chose qui a été acté dans la procédure."  tente de déminer Xavier Delestre.

Contacté, le Groupe Vinci et les responsables du chantier ont refusé de répondre à toutes nos questions et nous permettre de constater les dégradations. Ce mercredi matin, le chef de chantier refusait même d'expliquer aux habitants où était la zone protégée.

La défiance est de mise entre les habitants et le groupe de construction. "Il faut faire extrêment attention à ce que dit Vinci. On sait ce que vaut la parole d'un promoteur" rappelle Benoît Payan.

48 heures pour sauver l'intégralité du site 

Le sursis de 48 heures obtenu auprès de Vinci va permettre à la mobilisation de s'organiser. Benoît Payan précise comment le collectif entend sauver le site : "On saisit immédiatement la DRAC. Le plan de masse détruit les colonnes antiques. Ce qui veut dire que les dernières colonnes antiques de la ville vont être détruites. On saisit aussi le maire de Marseille, le Préfet et la ministre. On veut savoir ce qui est pour l'instant du domaine du protégé et ce qui ne l'est pas. Il y a beaucoup de flou sur ce que fait Vinci et les Travaux du Midi." ( l'entreprise en charge des travaux) 

"Plus on va obtenir de mètres carrés à sanctuariser, moins Vinci aura intérêt à construire. Les 650m² sanctuarisés ne suffisent pas. Je suis sur une ligne de fermeté, la mairie doit retirer le permis. On arrête les travaux et on regarde ce qui se passe" précise l'élu.

A Paris, Jean-Luc Mélenchon se mobilise aussi, après avoir gagné 48h, il souhaite à nouveau interpeler la ministre et fustige la décision de la DRAC "La Direction locale réduit l'intérêt du site et permet la démolition."

D'autres vestiges à découvrir ?

Seule la partie centrale du site a été fouillée par l'INRAP. Aujourd'hui, le collectif citoyen souhaite que l'on fouille l'intégralité du site. La partie nord-est serait prometteuse selon l'historien Jean-Noël Beverini. Rapidement explorée par l'INRAP, elle n'a pas été fouillée sérieusement car il y aurait un risque d'effondrement de l'immeuble adjacent. "Tout de manière pour contruire leur immeuble, ils seront bien obligés de creuser là" explique Gilbert Laurens du CIQ St Victor. "Nous voulons la totalité de la parcelle. Sous le jardin public, il y a des vestiges de Vauban à explorer. Ce sont 2600 ans d'histoire qui doivent être respectés. Il y a là aussi, une vraie dimension touristique à prendre en compte". 

 

Le projet de Vinci 

"le 7ème arrondissement recèle l’un des plus remarquables patrimoine" plaquette de présentation du programme par Vinci

C'est un programme de standing, avec un prix des appartements qui grimpe jusqu'à 800.000 €. A ce tarif, on dispose d'un appartement 4 pièces de 100m² au huitième étage avec une vue panoramique et une immense terrasse. La résidence "Les Loges" est prévue d'être livrée au second trimestre 2019. Dans son projet actuel, elle doit longer la Corderie et laisser les vestiges derrière, avec un éventuel accès par la rue des Lices. Elle doit également intégrer une crèche.

 

 

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