Pour ce duo tout en puissance, les deux danseurs se livrent à une série de portés impressionnants.
Les tableaux, exécutés dans le temps de la contemplation avec une souplesse et une maitrise ne peuvent que forcer l'admiration : fluidité des gestes, beauté plastique et émotionnelle des corps à corps.
Il faut forcément une grande conscience du corps de l'autre pour exécuter ainsi une telle chorégraphie entre relâchement total et engagement physique de son partenaire. Une confiance qui ne s'improvise pas et qui s'est établie après prés de 10 ans de complicité artistique : cela se voit et se ressent.
La gestuelle très théâtrale de "Ruines", plonge son inspiration de l'iconographie religieuse de déploration du Christ mais aussi dans des techniques de lutte et de combat à mains nues et l'on devine ça et là les références à des scènes de combat et des oeuvres de l'art chrétien qui même si on ne peut toujours les nommer font forcément parti de notre inconscient.
Ici, la violence et la souffrance deviennent beauté mais la prouesse de cette pièce, c'est aussi la succession perpétuelle entre les rôles qui déstabilise et questionne. Car tour à tour assaillant et dominé celui que l'on croyait vaincu devient en une fraction de seconde le vainqueur, le danseur qui était porté dans une énergie de l'abandon devient le porteur tout en puissance.
La musique ou plutôt le musicien sont au coeur de la création avec Stracho Temelkovski, étonnant joueur de guitare basse et de mandole (les deux instruments sont joués en live simultanément !) dont la présence et les déplacements sur le plateau le feraient passer pour le narrateur muet de ces scènes qui semblent au final surgir de ses mélodies ... superbe !
Enfin, si on pouvait regretter de ne pas voir cette création en lumière sur la scène extérieur de la Parenthèse couverte d'un simple voile d'ombrage, le plateau exposé aux vents donnait néanmoins une dimension toute particulière à cette création.
Un très beau moment de danse donc que cet extrait de "Ruines" qui donne vraiment envie de voir l'intégralité de cette pièce de la compagnie Lamento !
Par Didier Philispart
