Le préambule de Pascale Picard, présentant l’Artiste Plasticienne Katerina Jebb en un lieu baigné d’histoire, "le Musée Réattu", nous portait déjà vers une exposition captivante. C’est Christian Lacroix qui fut l’instigateur de la rencontre entre les deux femmes, une rencontre qui offre à la ville d’Arles le premier projet d’exposition monographique de Katerina Jebb, réunissant pas moins de 60 œuvres dont la contemporanéité s’imbibe de la scénographie du Musée Réattu.
Katerina Jebb l’exploratrice
Artiste Plasticienne d’origine anglaise, Katerina Jebb réinvente l’image en utilisant un outil industriel n’ayant à priori aucune vocation artistique : un scanner numérique. Le sujet, la machine, l'artiste et un travail considérable de manutention et de montage, de structuration ne transparaissent pas sur les œuvres d’un esthétisme incontestable. L’inertie d’objets devenus presque palpables, des portraits fantomatiques, des robes de Christian Lacroix en fantasmagories… Katerina Jebb explore l’univers de la mode, met en scène Kristin Scott Thomas, Kate Moss, Kylie Minogue…. L'artiste tente d’approcher l’âme des femmes qui ont habité le vêtement, et l’âme de l’étoffe, qu’elle soit robe de haute couture ou chiffon du peintre Balthus. L’artiste réinsuffle de la vie à ce dernier en lui rendant un hommage au travers d’œuvres bouleversantes.
Deus Ex Machina
Katerina jebb s’intéresse aux traces laissées par l’humanité, le corset de Marie-Antoinette, une lettre de Staline à sa fille… L’artiste démystifie le luxe en remplaçant le Chanel n°5 par de la viande hachée posant ainsi la question suivante : le contenant est-il toujours aussi beau si l’on en change le contenu ? Elle donne un visuel d’interrogations : comment émerge l’idée de la fabrication d’une poupée en plastique pour satisfaire le désir masculin ? Elle pose un regard brutal, sans filtre, sur l’humanité avec des œuvres d’une profondeur irréelle: Une galerie de portraits, la bouche de Kylie Minogue déstructurée, des prothèses mammaires, un caneton bicéphale… Au sein de la petite chapelle on remarque une vidéo mettant en scène Tilda Swinton dans les réserves du Palais Galliera, le tout baigné d’une atmosphère chirurgicale, comme le soulignement du travail d’orfèvre accompli par Katerina Jebb...
Une biographie visuelle de Balthus
Dans la sacristie, l’épouse de Balthus "Setsuko" apparait sur le sol telle une âme faisant partie intégrante du lieu, vous donnant la sensation d’une vision de l’au-delà. La blouse du peintre s’impose comme le récit de sa vie ou une étoffe imprégnée de pigment dont la couleur nous fait osciller entre son travail artistique et une vision sanguinolente. Les œuvres de Katerina Jebb sont ressenties comme une résurrection du Maître, et ce jusqu’à sa tombe qui inonde la salle d’un îlot de verdure.
Katerina Jebb offre une vision parfois polysémique, ou sans ambivalence de ses oeuvres, instinctives ou nécessitant une réflexion, son travail artistique est sans conteste la sublimation de l’image qui n’est pas figée à l’instant "T", mais visualisée sur la durée.
Photo : Katerina Jebb, Two Headed Chick, 2015 © Katerina Jebb
Sylvie. B