Fabrice Murgia n'a de cesse d'interroger son époque. Avec Notre peur de n'être, le lauréat du récent Lion d'argent à la Biennale de Venise aborde sans catastrophisme ni angélisme le monde virtuel d'aujourd'hui : ses forces (un accès infini au savoir, une intelligence collective, un nouveau langage...) et ses dérives (les addictions, l'isolement, les menaces sur nos vies privées...). Une peinture aux couleurs de notre époque où le positivisme se montre contagieux.
Le souhait de Fabrice Murgia est de propager un message d'espoir à la jeunesse afin qu'elle entame sereinement le tournant d'une « révolution » occidentale, selon Michel Serres. Le metteur en scène s'appuie notamment sur l'essai Petite Poucette dans lequel Serres analyse les effets de trois révolutions successives : le passage de l'écrit à l'oral, de l'oral à l'imprimé et de l'imprimé aux nouvelles technologies. Notre peur de n'être aborde notre civilisation, ses malaises et ses crises, mais toujours avec un regard optimiste et projeté vers l'avenir. Fabrice Murgia y parle admirablement bien de cette jeunesse « qui a besoin d'espérer », de ses forces et de ses fougues, à la lumière des nouvelles technologies comme sources d'expression. Pour ce faire, le metteur en scène convoque six acteurs fougueux qui, entre autres, feront écho aux Hikikomori, ces jeunes adultes japonais coupés du monde qui ont choisi de vivre reclus, seuls face à leurs écrans. Placé sous le signe de l'espoir, des utopies et de la transformation du monde, Notre peur de n'être compose un spectacle aux accents résolument cinématographiques. Une véritable machine théâtrale qui fait de cette Peur de n'être, une fascinante et percutante photographie du monde moderne.