Une grande partie de mon être était tordue, enfouie, enroulée sur elle-même, comme un écheveau de laine emmêlé dont on a perdu le bout.
Ainsi commence le journal de Mary Barnes, une femme ordinaire dont l’histoire va bouleverser l’Angleterre des années 70. Mary a quarante-deux ans quand la raison lui échappe avec les premiers signes de ce que les médecins diagnostiquent comme une schizophrénie. Elle est infirmière et connaît les méthodes coercitives des hôpitaux. Dans sa ténacité à y échapper et à comprendre ce qui lui arrive, elle fonder à Londres « Kingsley Hall », une communauté composée de malades, de psychiatres et d’artistes, partageant le même désir d’émancipation et de recherche.
L’histoire de Mary Barnes ici mise en scène tient de la détermination inspirée, de la volonté à se battre pour vivre et de l’intelligence partagée. Accompagnée pendant cinq ans par une exceptionnelle fraternité humaine, Mary entre dans la folie et la traverse pour y chercher la vérité. Elle consigne tous les détails de sa traversée dans un journal d’une précision stupéfiante. Un témoignage référence qui contribuera à repenser la question de la schizophrénie non plus comme une maladie mentale mais comme la réponse d’un être fragilisé, souvent le plus sain de la fratrie, luttant à sa manière contre des processus familiaux vécus comme inacceptables.
Entre récit, traversée intérieure et performance, la mise en scène fera la place aux émotions et à la vision poétique. Un plancher, le lit, la machine à écrire et la peinture seront les matériaux mouvants de ce chantier théâtral inattendu. Une création sonore originale nous plongera dans l’atmosphère atypique de Kingsley Hall, faisant se croiser Les Beatles, les réflexions de Joe Berke sur la psychiatrie et le piano de Ronnie dans un désordre fructueux. Car ce qui aurait pu ressembler à une terrible tragédie : cris, peurs et tremblements, passé par la catharsis de la mise en abîme, s’achèvera en renaissance. Sur l’image d’une Mary réconciliée, énigme lumineuse.
Véronique Widock
